[La Reprise du Jeudi] Jessica93 – COVER93

Dans l’univers désenchanté de Jessica93, les grands espaces sont des parkings de zone commerciale, les étoiles des allées de réverbères. C’est une banlieue grise de friches et de murs tagués. Alors le confinement dans cet environnement n’est ni plus gai ni plus triste que d’habitude. Le One Man Band au blaze de cibiste en a profité pour compiler un EP de 4 reprises disponibles sur son Bandcamp, nommé COVER93, suivant l’inscription barrée COVID19. 

Dans ce genre d’exercice, il y a ceux qui vont chercher l’obscur, connu d’eux et d’une poignée d’initiés et puis ceux qui laissent parler leurs influences les plus évidentes. Jessica 93 joue dans la deuxième catégorie, son grunge synthétique pourrait ressembler à un croisement de Nirvana et de The Cure, bingo ! Ils sont là avec les titres Something in the Way et Pornography. On trouve également le classique I wanna be Adore des Stone Roses from Madchester et une version de Saint James Infirmary Blues. En fait, seul Pornography est un inédit, les autres pistes avaient déjà garnie compilation et autres face B de 45 tours. On se dit que notre homme aurait pu profiter d’être coincé entre quatre murs pour en enregistrer 2-3 autres, mais bon, on ne connaît pas la vie des gens.

Intéressons nous de plus près à Saint James Infirmary. Comme Cobain déterrant Where did you sleep last Night, Jessica93 reprend un blues ici attribué à Abner Jay. Sûrement il s’est trouvé des affinités avec l’homme orchestre de Georgie, même si 80 ans plus tard, pédales et boîtiers ont remplacé tout l’attirail. Mais la chanson a des racines bien plus profondes, jusqu’au XVIII siècle où elle s’appelait The Unfortunate Rake. Elle racontait la descente aux enfers d’un homme, qui après avoir perdu sa femme, contracta une maladie vénérienne à trop fréquenter les prostituées et en mourra. Les décennies passèrent et les paroles évolueront au fil des adaptations. L’homme trouve sa femme livide, allongée sur un lit de la Saint James Infirmery, et poursuit sa vie d’errance dans une tristesse absolue.  Un des premiers enregistrement connu est celui de Louis Armstrong en 1928. Suivront en vrac Big Mama Thornton, Sidney Bechet, Lou Rawls, The Animals, Janis Joplin, Joe Cocker jusqu’au White Stripes sur leur premier album.

 

Ce titre survit aux âges un peu à la manière de The House of the Rising Sun, une autre grande histoire de loose totale. La poisse, thème préféré de tout musicien qui se respecte ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *