Ike & Tina Turner – River Deep, Mountain High

1956. Annie Mae Bulloock est fan du groupe Kings of Rhythm au sein duquel Ike Turner assure le lead, joue de la guitare et chante. À la faveur d’un concert, celle qui veut se faire un nom sur scène, fait le forcing pour être engagée dans la formation et obtient gain de cause. Ike la prend comme chanteuse, la rebaptise Tina et l’épouse en 1958. Ça c’est fait!
Le couple connaît ses premiers succès avec l’orchestre renommé The Ike & Tina Turner Revue. Secondée par les trois ″ Ikettes ″, Tina est impressionnante, c’est une bête de scène. Sa voix est un lance-flammes et elle assure le show de façon suggestive. Ses tenues couvrent à peine ses fesses et dans ses mains, sans la moindre ambiguïté, le micro devient un symbole phallique qui en affole plus d’un. Les tournées s’enchaînent et, comme par magie, les portes des studios s’ouvrent. Le premier succès discographique arrive en juillet 1960 avec A Fool in Love. Jusqu’en 1965 et bien qu’ils vivent de contrats expéditifs avec de petits labels, Ike & Tina Turner parviennent à sortir une bonne trentaine de singles et plusieurs LP’s. Cette année là en novembre, lors d’un show télévisé ils font la rencontre du directeur des programmes. Phil Spector – c’est lui – est un fervent admirateur de Tina et rêve de lui faire interpréter une de ses compositions co-écrite avec Ellie Greenwich et Jeff Barry : River Deep, Mountain High. Cela fait plus d’un an que Spector n’a pas produit de disques à succès avec son fameux ″ Wall of Sound ″ et il veut mettre toutes les chances de son côté. Tout d’abord il signifie clairement à Ike que le projet se fera sans lui. Pour ce, il allonge vingt mille dollars en échange du contrôle total sur les séances. Ensuite, le producteur fait appel à quelques requins de session affûtés, dont Hal Blaine, Leon Russell et Glen Campbell. Après deux journées de calage de la bande son avec les musiciens, Spector fait entrer Tina en studio le 7 mars et la fait travailler encore et encore jusqu’à obtenir la perfection qu’il attend d’elle. Les paroles évoquent un amour inconditionnel, plus profond que n’importe quel fleuve et plus grand que n’importe quelle montagne. ″ Quand j’étais petite, j’avais une poupée de chiffon. C’est la seule poupée que j’ai jamais possédée. Aujourd’hui, je t’aime autant que cette poupée. Mon amour grandit. De jour en jour et il devient plus fort et plus profond. Quand tu étais enfant, as-tu eu un chiot qui te suivais partout? Je serai aussi fidèle que lui et non, jamais je ne t’abandonnerai ″.
En tout point magnifique, le single sort en mai 1966. Au final, l’enregistrement revient à 22 000$, à l’époque un prix incroyable pour un single. En dépit de l’excellent accueil qui lui est réservé en Europe (N°1 en Espagne, N°3 au Royaume-Uni), aux États-Unis c’est un flop.
Dixit Ike Turner, la raison relève du fait qu’au cœur de la période ségrégationniste, le titre sonnait trop ″ black ″ pour les radios blanches et trop ″ white ″ pour les radios noires. Résultat, personne ne le diffusait. Ce demi-échec aura un impact majeur sur la décision de Spector de prendre une retraite provisoire. River Deep, Mountain High sera repris entre autres par The Supremes et en français par Claude François (Combien de rivières). Aux USA, l’album original ne sera réédité que trois ans plus tard par A&M Records.

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Patrick BETAILLE, août 2023

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