Playlist – Quoi de neuf en Avril 2023 ?

Ici on dit : En Avril, ne te découvre pas d’un fil. Outre-Manche, il doit y avoir une expression équivalente, parce que In April, don’t discover yourself from a thread, ça ne rime pas. De toute façon, c’était un mois à rester chez soi pour écouter de la musique. Parce que la météo fut mauvaise ou parce que la production fut bonne ? La deuxième réponse, camarade, et des deux côtés du Channel !

Avril a été marqué par le retour de Black Country, New Road. Après le départ surprise de leur chanteur charismatique, le groupe a opté pour un micro tournant et a forgé sa nouvelle identité ainsi que des nouveaux morceaux sur la route. Il en résulte un live dans les murs du vénérable Bush Hall de Londres qui prenait des airs de bal de fin d’année pour l’occasion. Piano, cuivres et cordes démarrent doucement pour se mettre magnifiquement en branle, tout élément noise a disparu, sauf quand le saxophone s’étrangle. Ces compositions ont un petit quelque chose de désuet pour un groupe qui était qualifié de moderne il n’y a pas si longtemps. En même temps, c’est tellement charmant. C’est dynamique, euphorique par moment, et donc, un rien Vieille Angleterre. Sûr que ces jeunes gens vont boire le thé chez leur Grand Mère tous les dimanches.

Un peu le contraire de Tyron Frampton, alias Slowthai. Le natif de Northampton produit depuis ses débuts un hip-hop hybride qui semble se nourrir de tout ce que sa terre natale à produit comme musique ces dernières décennies. UGLY est un disque à fleur de peau, tendu et intense. Sooner pourrait faire penser à The Streets, Happy très rock indé alors que Wotz Funny stimule votre côté punk. C’est ainsi que le jeune homme devrait très certainement élargir son auditoire. Reste à savoir s’il faut prendre les effusions de joie comme Feel Good au premier degré …

Issue à peu près de la même génération et des mêmes Midlands, mais avec une notoriété moindre, Yazmin Lacey sort son premier album Voice Notes début mars 2023. Avec des titres aussi délicieux que Late Night People, on peut espérer qu’elle se fasse rapidement un nom, que sa soul moderne se répande comme une coulée de miel et d’amour.

Avec Absolute Reality, Holiday Ghosts a réalisé un de ces albums sans grande prétention, mais qui font plaisir. Il y a un côté bricolé à la maison comme d’autres groupes au chant mixte avant eux, les Vaselines, Moldy Peaches ou autres Dutchess and the Duke. Et puis contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire, ce disque est quasiment jovial, ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent.

Changement radical alors qu’on atterrit à Dublin. Lankum s’empare du folklore irlandais pour ruiner l’ambiance. Dans son 3ème album, le groupe revient au temps des malheurs, de la misère et de la famine. La voix est forcément grave, les instruments traditionnels forment un bourdonnement puissant qui rapproche l’ensemble du doom metal. On est saisi de frisson avant la fin de ce Go Dig my Grave et on remet une bûche dans l’âtre.

Toulouse to Lose chantaient The Stranglers, avec ce nouvel opus de Cathédrale, la ville rose marque plusieurs points au classement. Eux ont dû monter plus de lits contre les murs que suivre de messes à Saint Sernin, et avec Words / Silence, ils viennent torcher les Brits sur leur terrain du post-punk. Quand on entend leur l’hymne à la procrastination ou leur prise d’otage en toute décontraction, we’re not afraid of the FBI qu’ils fanfaronnent, on se dit que c’est des bons.

Alors certes, la musique n’est pas un concours, à part l’Eurovision, d’accord, mais on est toujours heureux d’entendre des groupes français venir faire jeux égal avec les anglo-saxons, et c’est bien le cas des Normands de You Said Strange. Avec Thousand Shadow Vol 2, ils mettent la barre encore plus haute qu’avec le volume 1 qui avait pourtant amené ces Normands du troisième millénaire encore plus loin que ceux des temps moyenâgeux. Mais ici la conquête ne se fait pas à grands coups de hache mais avec de splendides morceaux psychédéliques à l’orchestration parfaitement léchée.

Compliqué de finir une sélection sans groupe US, heureusement, les vétérans du grunge Mudhoney sortent leur onzième album. Tant qu’ils auront des sujets sur lesquels s’indigner, ils paraîtront toujours aussi jeunes et cette fois-ci, leur colère passe sur un thème à la mode, le dérèglement climatique. A Seattle, on ne connaît pas encore la sécheresse, alors l’apocalypse selon Mudhoney passera par les eaux. Le groupe fait souvent preuve de second degré, et use même de l’auto-dérision lorsqu’il chante aussi son amour pour les petits chiens.

Texte de Julien Beylac

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