Avishai Cohen Trio « Shifting Sands » – Jazz In Marciac – 29/07/2022

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Texte : Annie Robert
Photos : © Thierry Dubuc : Cliquez ici
Lieu : Marciac, (FRANCE)

Aussi audacieux soit‐il, tout explorateur use d’une boussole, d’un compas ou d’une étoile pour accompagner sa marche vers l’inconnu. Quand on lui demande ainsi quel est son instrument de navigation privilégié, celui qui lui permet à la fois de se repérer et d’avancer, Avishai Cohen, dont la réputation de musicien aventurier n’est plus à faire, répond sans hésiter : il s’agit de son Trio contrebasse‐piano‐batterie. Un outil de travail indémodable et évolutif qui lui sert tout autant de guide que de ligne d’horizon, de socle fondateur que de force motrice ; si bien qu’il n’a jamais jugé pertinent de s’en éloigner, et encore moins de s’en séparer. Avec Shifting Sands, Avishai Cohen revient au trio jazz et fait son grand retour avec une formation éblouissante : Elchin Shirinov, toujours au piano et, à la batterie, l’arrivée de la jeune Roni Kaspi, musicienne exceptionnelle qui a rejoint le groupe en tournée à l’été 2021. Mais comme toujours avec lui, ce qui semble relever d’un retour aux fondamentaux porte surtout la promesse d’un départ : si le compositeur et contrebassiste israélien ressaisit le bagage de l’expérience, c’est pour mieux prendre le large et partir à la conquête de terres vierges. Ce nouvel album Shifting Sands, enregistré au mois d’août 2021 et qui paraitra en Mai 2022 sur le label naïve, renoue avec l’alchimie si particulière qui fait le charme de la musique d’Avishai Cohen : grandes lignes mélodiques, rythmes divers et recherchés et une élégance musicale si particulière qui n’appartient qu’à lui.

En ouverture, Intertwined révèle d’emblée la puissance de la musique du trio. A partir d’un riff envoutant basse/piano émerge une mélodie angélique. Une réelle magie opère entre le piano lumineux, les battements vigoureux des tambours et la contrebasse pulsatile. Les expressions des trois musiciens s’entrelacent tout au long du morceau qu’ils explorent et transforment.
Sur Window, la musique se développe à partir d’un motif mélodique que piano et contrebasse jouent en parfaite synchronisation. Le pianiste improvise ensuite avec une fougue non dénuée de poésie. Les notes chantent, les couleurs sonores se succèdent et se fondent en une mélodie entêtante construite en boucle. Batterie, contrebasse et piano unissent leur énergie et reviennent à la pulsation du début. Puissance et lyrisme se conjuguent avec bonheur.

Changement d’atmosphère avec Dvash qui tranche avec la véhémence du titre précédent. L’exposition du thème en contrepoint par le piano et la contrebasse rappelle la forme d’une fugue, ce qui n’est pas sans évoquer des résonances de musique baroque. Après quatre minutes, le solo de contrebasse advient telle une offrande. Plus loin, la contrebasse expose le thème de Joy à l’archet. Construit comme une incantation, le titre ouvre un grand espace d’expression à la batteuse dont le jeu déstructuré s’épanouit avec véhémence avant de céder la place à un chorus énergique du pianiste.

Ourlée de couleurs nostalgiques, la mélodie de Below accueille le silence. Riche des influences musicales du compositeur, elle témoigne d’une grande profondeur. Le trio enchaîne ensuite avec le titre qui donne son nom à l’album. Shifting Sands, un voyage spirituel où alternent les envolées du piano et celles de la batterie. La contrebasse improvise avec une délicatesse qui confine au romantisme. Subtil et pénétrant.

Avec Chacha Rom, retour à un tempo plus syncopé. Sur les cordes de la contrebasse, l’archet fait chanter les notes. Le pianiste inspiré les invite ensuite à danser sur les touches noires et blanches. Un vrai régal rythmique et mélodique.

Par une interprétation évocatrice de l’art de Bill Evans, le trio transforme le titre traditionnel Hitragut en un concentré de lyrisme et d’élégance. Le jeu tout en retenue du pianiste n’en demeure pas moins plein d’allant, stimulé avec subtilité et souplesse par la batterie. Le contraste est saisissant avec Videogame construit à partir d’une nappe mélodique que piano et contrebasse développent avec emphase. Les riffs réitératifs du piano propulsent la contrebasse. Le dialogue entre les deux instruments confine à la communion. Le climat sonore se fait envoutant.

L’album se referme avec Kinderblock. Une toile musicale impressionniste en deux mouvements où le piano est rejoint après trois minutes par le jeu élégant de la contrebasse et l’effleurement des balais sur les peaux et les cymbales. Magie absolue !

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