Pink Floyd – Battersea Power Station

1977: La Grande-Bretagne est secouée par l’explosion du punk porté par une jeunesse rebelle et violente, qui, à l’instar d’un certain Johnny Rotten arborant un tee shirt I Hate Pink Floyd, veut mettre à mal l’industrie musicale squattée par les dinosaures du rock du moment. Stones, Who, Dylan et consorts voient leur public s’éloigner peu à peu, attiré par la rébellion de l’underground londonien. C’est dans ce contexte que le 23 janvier parait le dixième album de Pink Floyd: Animals. malgré des tensions naissantes au sein du groupe, les sessions en studio se déroulent sans accroc majeur. Par contre, l’artwork de l’album pose problème. Le groupe ne parvient pas à se décider et, en l’absence de compromis, décide de faire appel (une fois de plus) à Hipgnosis, le collectif de graphisme responsable des précédentes illustrations des albums du groupe. Le collectif de designers soumet plusieurs idées en relation avec les textes des chansons. L’une d’entre elles consiste à montrer un enfant qui observe ses parents en train de copuler. Pour l’autre, est proposé un canard cloué au mur, allégorie de la jungle psychotique de l’enfance chère à Roger Waters. Aucun des deux concepts ne fait l’unanimité et c’est finalement un autre qui sera retenu.  À  l’époque, Waters passe régulièrement devant la Battersea Power Station et c’est une vue de cette centrale électrique à charbon plus que vieillissante qui fera l’objet d’un projet pour le moins ambitieux. L’équipe fait appel une société allemande spécialisée dans la fabrique de ballons et à l’artiste australien Jeffrey Shaw pour la construction d’un ballon en forme de cochon de 12 mètres de long destiné à être photographié entre les cheminées de la centrale. Baptisé Algie, le goret gonflé à l’hélium est mis en place le 2 décembre 1976. Onze photographes et huit caméras (dont une embarquée dans un hélicoptère) sont sur place pour immortaliser le moment. Un tireur d’élite chargé de shooter le ballon en cas de problème est également présent. Le mauvais temps retarde l’envol et l’opération est reportée. Le lendemain le largage a lieu mais malheureusement les amarres cèdent et le tireur d’élite est absent. Algie disparaît donc dans les nuages, monte à 12 000 mètres, survole l’aéroport de Londres-Heathrow et crée la pagaille en entrainant l’annulation de plusieurs vols.  Le ballon achève sa course sur les terres d’un fermier du Kent, pour être ensuite récupéré. Nouvelle tentative fructueuse le troisième jour. Mais c’est finalement l’un des clichés pris lors du repérage des lieux qui est retenu pour la beauté du ciel contrasté ce jour-là. Algie fera simplement l’objet d’un photomontage pour illustrer Animals.

La Battersea Power Station a définitivement cessé de produire de l’électricité en 1987. Au fil des ans, et pour entamer sa reconversion, la centrale a vu passer cirque, skate-park, piste de ski et autres manifestations culturelles. Le site est également devenu la cible de plusieurs projets immobiliers avortés, y compris un nouveau stade pour le club de Chelsea. En janvier 2013, c’est finalement un consortium malaisien qui investit sur l’avenir des 16 hectares. Le projet, qui prévoit un hôtel de luxe, des logements, des bureaux, un parc d’attraction et un complexe commercial est revendu en 2018 à deux fonds d’investissements malaisiens pour 1,8 milliard d’euros. Au printemps 2020, la Covid-19 met un coup d’arrêt aux travaux engagés. Le verrat volant lui reprendra du service au cours des tournées de Roger Waters. En 2013 il sera marqué d’une étoile de David pour contester l’occupation par Israël de territoires palestiniens et plus récemment encore il arborera le visage d’un Donald Trump estampillé: porc ignorant, menteur, raciste et sexiste. Pauvre Algie!

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There are 2 comments for this article
  1. anaïs at 18 h 43 min

    !!! franchement le dessin du gamin un nounours à la main découvrant ses parents en train de baiser, faut reconnaitre que c’est bien punk !
    et Animals est peut-être le disque punk de son année !

  2. Patrick B at 9 h 10 min

    Il est vrai que le projet en question ne manque pas de piquant. J’aurais bien aimé voir aboutir la version de cette esquisse finalisée par la talentueuse équipe Hipgnosis. Je pense que ça aurait valu son pesant de cacahouètes 😉

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