[La Reprise du Jeudi] La Chanson du Forçat, de Gainsbourg à Dylan

La première fois qu’on tombe sur La Chanson du Forçat de Serge Gainsbourg, on peut être frapper par deux choses :

Premièrement, les paroles. « Qui ne s’est jamais laissé enchaîné, ne saura jamais ce qu’est la liberté. Moi, oui, je le sais, je suis un évadé ». Gainsbourg a plutôt habitué son auditoire à des textes plus légers, où il est essentiellement question de ses relations avec la gente féminine. Mais dans cette phrase, l’évadé ne sort pas nécessairement de Cayenne, on peut la prendre comme une métaphore de la fin d’une relation un brin étouffante. Si ce n’est que …

Deuxièmement, la musique. Gainsbourg chante sur une guitare folk-blues nerveuse, ce qui est peu habituel chez lui qui préfère les riches orchestrations jazz ou classique. Elle donne à ce morceau une dimension tendue et sévère. Mais cette guitare … cette guitare, elle vous fait peut être penser à quelque chose … oui, oui … réfléchissons, du Dylan peut être … oui, oui, réécoutons The Ballad Of Hollis Brown … Bingo !

Serge Gainsbourg est mentionné aux textes et à la musique de La Chanson du Forçat, pourtant, il ne fait aucun doute que la guitare est empruntée à Bob Dylan. Ce qui peut paraître surprenant quand on sait qu’on parle là d’un des plus grands compositeurs que notre pays ait connu. « Je croyais que personne ne s’en apercevrait. » avait-il répondu sans gêne aucune, alors que Francis Blanche l’interrogeait sur le sujet. Le blog L’école du Crime nous montre d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé et qu’il arrivait à Gainsbourg de faire ce genre d’emprunt sans vraiment dire « s’il vous plaît » ni « merci ». Cette chanson singulière dans le répertoire de l’Homme à la Tête de Choux est en fait une commande spécifique, destinée au générique du feuilleton Vidocq, diffusé par l’ORTF en 1967. Eugène-François Vidocq, ancien malfrat évadé du bagne, devint chef de l’officieuse brigade de sureté de la préfecture de Paris au début du XIXème siècle.

 

Vidocq vient donc faire écho à Hollis Brown. La vie de ce fermier miséreux était contée par Bob Dylan en 1964 dans l’album The Time They are a Changin’. La Grande Dépression et la crise économique qui frappa de plein fouet l’Amérique la plus modeste fut une grande source d’inspiration pour le Zim’. C’est aussi à cette époque que son idole Woody Guthrie saisit sa guitare et parcours le pays. Dylan décrit ici les conditions de vie, de survie plutôt, de Hollis Brown qui ne peut plus nourrir sa femme et ses cinq enfants, et qui finit par tous les tuer, gardant pour lui la dernière balle.

 

Au rayon des reprises de ces deux titres, on trouve une traduction de Dylan par Francis Cabrel pour ceux qui ont fait anglais en LV8. Tandis que pour les amateurs de metal, voici une version de la Chanson du Forçat par Lofofora.

 

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  1. anaïs at 13 h 29 min

    ! Gainsbourg a repris plusieurs morceaux du percussionniste nigérian Babatunde Olatunji pour son son Gainsbourg Percussions, sans le citer, ni le créditer bien sûr !!! chez lui beaucoup à boire, très peu à manger, l’album Confidentiel, l’Homme à la tête de Chou, Vu de l’extèrieur, le génialissime Rock around the Bunker, Love on the Beat ; et le disque qu’il écrit pour Adjani avec ce titre sublime Le Bonheur c’est Malheureux, pour finir son disque avec Bashung Play Blessures avec le morceau définitif Martine Boude

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