[La Reprise du Jeudi] Avec La Féline, Mondkopf, Grive et Gérard Manset

Des fois, la rencontre entre deux artistes nous amène dans une direction bien différente de la simple addition de deux styles musicaux. Par exemple, Agnès Gayraud alias La Féline et Paul Régimbaud de Mondkopf viennent de sortir un EP sous le nom de Grive, comme l’oiseau. La première est connue pour sa pop francophone et inventive, le deuxième partisan d’une musique électronique austère, aux sonorités volontiers industrielles. Leur union au sein de Grive a accouché de quatre titres lents et beaux, aussi puissants que délicats. Quatre titres magistraux à la maîtrise parfaite mais aux atmosphères changeantes, on passe de l’obsessionnel et guerrier Kingdom à l’onirique Burger Shack. Et on termine par les presque huit minutes étouffantes de Coal Mine et son intensité qui monte crescendo, jusqu’à mettre tous les niveaux dans le rouge et nous  laisser éreinté. Cet EP est en écoute dans son intégralité ici.

Mais Grive est le fruit de plusieurs années de collaborations  qui les avait notamment vu reprendre Comme un Guerrier de Gérard Manset, non pas une fois, mais deux fois. C’est un morceau que Manset avait écrit en 1982. Il y décrit l’agonie d’un guerrier blessé, dans une jungle tropicale, qui voit peu à peu, sa vie partir et avec, ses espoirs, ses amours. Il y a la fièvre, peut être des visions, cette indienne dans une barque est elle réelle ou mystique ? Le narrateur est spectateur, il n’a pas spécialement de compassion, ne montre pas non plus de signe d’antimilitarisme. Il s’agit d’ailleurs d’un guerrier et non d’un soldat, la différence étant l’amour du combat chez le premier, le second peut être là car il n’a pas le choix.

Une agonie en deux versions par le duo Agnès Gayraud et Paul Régimbaud. La première est plus dépouillée, une note de guitare puis de clavier vient sonner le glas. La Féline déclame les vers funéraires alors que percussions et saturations glissent lentement vers la folie, comme si tous les sens du mourant se brouillaient soudain. La deuxième est soutenue par une orchestration électronique offensive et semble replacer la scène dans le conflit, la guerre continuera bien sans notre guerrier, son intensité n’en sera nullement affectée. Car selon les points de vue, chaque être humain peut être considéré comme sacré ou quantité négligeable.