DABEULL, le groove analogique comme manifeste

Dans une époque saturée de productions numériques, Dabeull s’impose comme une anomalie radieuse. Producteur, compositeur, multi-instrumentiste et performeur, il a fait du funk analogique un acte de foi. Derrière sa moustache impeccable et ses claviers d’un autre âge, David Saïd, son vrai nom, cultive une obsession : redonner au son sa chaleur, à la fête sa sincérité, au groove sa noblesse.

Le refus du plastique

Il y a chez Dabeull une méfiance instinctive pour le « tout-numérique ». Alors que la majorité de la scène électro s’en remet aux ordinateurs, lui revendique le toucher, la machine, la lenteur du geste.

Dans son studio, chaque bouton, chaque fader raconte une histoire. Le DX7, le Roland Juno, la talkbox, les boîtes à rythmes LinnDrum ou TR-808 ne sont pas des accessoires vintages : ce sont ses compagnons de route.

« Je ne veux pas d’un son froid, je veux qu’on sente les doigts sur les touches, l’électricité dans le signal », expliquait-il récemment lors d’une session live. Cette exigence d’organicité, héritée des studios de Los Angeles ou de Minneapolis des années 1980, traverse toute sa production.

Dans un monde compressé par le streaming, Dabeull défend l’imperfection, la respiration, le grain.

Une identité forgée dans la sincérité

L’univers de Dabeull s’est imposé au fil d’un long travail d’artisan. Passé par l’électro “classique”, il s’est recentré sur ce qui l’anime depuis l’adolescence : le funk, le disco, la soul. Loin des tendances, il bâtit un son et une esthétique en totale cohérence : synthés analogiques, lumière orangée, chemises à motifs, groove assumé.

Lui-même aime rappeler que tout est parti d’un besoin vital : faire danser et faire sourire. Une démarche simple, presque candide, mais portée par une rigueur technique redoutable.

Chaque morceau est pensé comme une bulle hors du temps : « You & I », « Day & Night », « DX7″, « Body Heat »… tous partagent cette alchimie rare entre séduction et sincérité, entre ironie légère et profondeur sonore.

Bruxelles, laboratoire du funk moderne

Contrairement à ce que beaucoup imaginent, Dabeull n’a jamais fait de Paris son centre de gravité.

Son port d’attache, c’est Bruxelles, ville où il a trouvé un équilibre entre effervescence et liberté. Ce choix n’est pas anodin : loin des circuits parisiens saturés, il construit son œuvre dans un environnement où la scène funk et soul renaît doucement.

Dans la capitale belge, il a trouvé la possibilité de créer sans pression, d’enregistrer sur bande, de monter un live-band 100 % analogique.

Bruxelles, c’est aussi un carrefour : entre la France, l’Afrique, les Caraïbes, l’Angleterre — un point de fusion qui correspond parfaitement à la grammaire sonore de Dabeull.

 

 

Le live comme rituel

Chez lui, le live n’est pas une simple restitution : c’est une cérémonie du groove.

Entouré de musiciens, Dabeull reproduit sur scène la chaleur du studio, sans playback, sans artifice. Guitare funk, batterie sèche, claviers analogiques, voix filtrée à la talkbox : tout respire la maîtrise et la joie.

Ses concerts, que ce soit à la Philharmonie, au festival Mawazine ou dans les clubs bruxellois sont pensés comme des happenings à la fois musicaux et visuels : chorégraphies spontanées, lumières ambrées, humour discret.

Le public y trouve une forme de communion rare : le plaisir pur de danser sur une musique jouée avec exigence.

Festival Garorock 2025~@festivalgarorock @maenlyphotographe @loiccousin_photographe @suzette.music @dabeull

 

Le son Dabeull : entre hommage et invention

Si la nostalgie nourrit son imaginaire, Dabeull ne se contente jamais de reproduire le passé. Il le réinvente.

Son groove n’est pas figé : il incorpore du R&B contemporain, des syncopes caribéennes, des basses proches du hip-hop.

Cette hybridation maîtrisée donne à ses morceaux une dimension intemporelle, familière mais neuve.

On peut y entendre autant l’héritage de Prince, de George Duke ou de Zapp & Roger que l’influence d’artistes modernes comme Kaytranada ou FKJ.

Mais là où d’autres filtrent le funk à travers l’électro, Dabeull choisit l’inverse : injecter du funk pur dans la modernité, sans le diluer.

Chaque production est ainsi une déclaration d’amour à la texture : la nappe qui vibre, la basse qui respire, le souffle dans le micro.

L’album Analog Love : maturité et cohérence

Sorti en 2024, Analog Love marque un tournant dans son parcours.

Premier long format véritablement pensé comme un album, il rassemble tout ce qui fait la force de Dabeull : compositions charnelles, soin du son, sens de la mélodie, et cette lumière constante qui traverse les titres.

Le disque aurait été enregistré sur la même console que Thriller, symbole à la fois technique et spirituel de sa quête du son idéal.

Loin d’un simple exercice de style, Analog Love affirme une direction claire : le retour à la sincérité dans la production.

Dans un monde où la musique devient un flux, Dabeull revendique l’objet, la matière, le moment.

Héritage et filiation

Dabeull appartient à une lignée d’artisans du son : ces producteurs qui, de Daft Punk à Breakbot, ont cherché à reconnecter la machine à l’émotion.

Mais là où la plupart s’appuient sur le sampling, lui recrée tout à la main, dans une logique d’interprétation vivante.

Son travail s’inscrit aussi dans un renouveau du funk européen, aux côtés d’artistes comme Lewis OfMan ou Voyage Futur.

Tous partagent une idée : la modernité n’est pas dans la technologie, mais dans la réappropriation sensible du passé.

L’homme derrière la moustache

Ce qui rend Dabeull attachant, c’est cette absence totale de cynisme.

Dans un milieu souvent ironique ou désabusé, il cultive la joie, la bienveillance, la fête comme art de vivre.

Il n’y a pas chez lui de posture vintage : simplement une conviction.

« Faire du funk, c’est faire du bien aux gens. »

Cette phrase, simple mais puissante, résume tout son manifeste.

Et peut-être que c’est cela, finalement, le secret de Dabeull :

Transformer la nostalgie en énergie, le passé en futur, le groove en humanité.

Festival Garorock 2025~@festivalgarorock @maenlyphotographe @loiccousin_photographe @suzette.music @dabeull

There are 2 comments for this article
  1. Gay Anne at 21 h 25 min

    Immense artiste Dabeull a le génie de la Funk contagieux
    Il est à la fois Kool and the gang, Marvin Gaye, Mikael Jackson et tous les autres !
    Merci à lui d’offrir son talent et sa générosité ❤️

  2. Rochas Wilfrid at 21 h 08 min

    56 ans et toujours branché boogie et funk, cest cet artiste qui m’a redonné foi que des génies de compositeur existent encore pour nous renvoyer en 1983, ils ont su ressentir les vrais sons qui font danser. Il a su s’entourer de voix géniales avec hollybrune et des rythmes synthétiques avec rudejule, bref une superbe combinaison de passionnés pour un résultat prodigieux avec analogue love.
    Je termine par un « Merci Monsieur Funk  »
    Wil

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