Coldplay – Coloratura
Comment un groupe devenu « populaire » et « commercial » au fil des albums, peut-il continuer à nous surprendre encore et toujours, jusqu’à même opérer le temps d’un nouveau morceau, le virage le plus extraordinaire de sa carrière et signer un tel chef d’œuvre ? Peut-on vraiment partir aussi loin avec une chanson, dans un endroit totalement imaginaire et ne pas vouloir en revenir.. ? Un nouvel extrait de leur prochain album « MUSIC of the SPHERES » (représentation harmonique des fréquences émises par les planètes) dont la sortie est prévue le 15 Octobre prochain, mais aussi et surtout le nom d’une nébuleuse : c’est là que je vous invite, pour un voyage stellaire de 10 minutes….
« Coloratura, the place we dreamed about… » d’une certaine façon, je pense que moi aussi j’en ai rêvé et pourtant, je n’aurais pas imaginé qu’un jour mon amour pour ce groupe et celui pour le rock progressif se retrouveraient ensemble, pendant 10 minutes que l’on ne voit pas passer, où le temps devient une illusion…
10 minutes et 19 secondes d’un voyage qui nous plonge dans le 12ème astre du système des “Spheres”, un système exoplanétaire constitué de 12 mondes différents dévoilé le 20 Juillet dernier dans « Overtura » : une courte excursion spatiale qui nous présente 12 nouveaux extraits, correspondants à chacune des 12 planètes. Le même jour, dans un message coloré écrit à la main par le chanteur qui nous présente l’« album trailer », le groupe annonce « ensuite vendredi, une chanson de l’album intitulée ‘Coloratura’ […] » alors très vite l’information circule et déjà sur de nombreuses pages, la durée exacte de cette nouvelle musique est connue.. et me fait réagir : ironiquement, je me dis « 10 minutes ? Mais, ils se mettent au rock progressif… ?! » et au fond, à cet instant précis, un petit quelque chose venait de (re)naitre...
Comme un nouvel espoir, car les 4 anglais sont connus pour leur pop éclatante, des formats radiophoniques simples et efficaces aux hymnes de stades, des collaborations ciblées, une aspiration « mainstream » tout à fait assumée.. alors qu’avant tout, Coldplay rime avec versatilité : si on est un peu curieux, leur opus précédent nous en montre déjà un exemple parlant (Jazz Fusion/Afro Beat sur « Arabesque » et son solo de saxophone, Gospel avec « Broken », Doo-Wop « Cry Cry Cry », Folk « Eko » / « Guns »…) et même si à ça se joignent quelques titres d’une pop teintée de rock « lisse », « EVERYDAY LIFE » restera un double album atypique, presque totalement brut et sincère. Leur « GHOST STORIES » de 2014 revenait lui à un intimisme aérien, une nostalgie profonde, ciment de leurs premiers albums. Tout aussi électronique que conceptuel, ce disque est une autre des nombreuses preuves de leur diversité, mais je pourrais continuer en vous parlant de toute leur discographie et alors là, il faudra peut-être que je songe à un nouveau nom, « Les Chroniques d’un Coldplayeur » par exemple (déjà que…)
Alors je vous propose de tourner à nouveau nos yeux et nos oreilles vers les étoiles : une introduction atmosphérique, qui dès les premières secondes orchestrales s’empare de nous avec une sorte de légèreté et nous embarque, nous fait comprendre la réalité suave d’un ailleurs où tout est déjà presque réconfortant, pour qu’un piano que l’on (re)connait si bien s’installe, se pose et introduise les mélopées d’un chanteur intime, seul.. La basse subtile et mélodieuse de Guy BERRYMAN le rejoint et on plane, on flotte déjà dans ces nuages de gaz et de poussières interstellaires, mais mon voyage envoûtant ne fait que commencer alors que Will CHAMPION entre, d’une batterie simple et presque brute, comme je rêve de l’entendre à nouveau depuis si longtemps ! Comme une ponctuation parfaite, Jonny BUCKLAND vient se rajouter et sublimer cet ensemble par quelques accents, les gémissements extraterrestres de sa Telecaster qui résonne dans l’espace.
Les couplets et refrains se suivent et c’est une musique revenue du passé qui prend forme : le Coldplay qui me fait vibrer et m’inspire tant est de retour et je me sens bien, en lévitation.
« Through Pioneer and Helix, Oumuamua, Heliopause and Neptune […] Through Voyager, Callisto, Calliope, Betelgeuse, the Neon Moons » un champ lexical spatial, références à nos réussites stellaires et ceux qui les ont permises, aux astres de notre système solaire et les objets célestes qui s’en approchent.. une ode à notre existence, qui n’est pourtant qu’une « lente mélodie qui brûle… » : l‘aventure humaine est belle, perdue au sein de ce vaste univers, mais « c’est un monde fou » et c’est une folle aventure qui se prépare alors. Portée par l’orchestration étincelante de Davide ROSSI et John METCALFE, violonistes, arrangeurs et compositeurs ; co-écrite par les 4 membres du groupe avec Paris STROTHER du duo « We Are KING » (avec lequel Chris MARTIN révèle pendant le ‘Live At Worthy Farm’ à Glastonbury le 22 Mai dernier, l’acapella et gracieux « Human Heart » extrait lui aussi du nouvel album) son chant nous conte le monde, la guitare répond à la caisse claire qui guide, se balance et nous balade, la basse est duveteuse, ronde : c’est une berceuse et elle nous transporte.
« I just want you.. » nous en sommes déjà à presque 5 minutes et le temps m’échappe mais je suis pourtant là, flottant au beau milieu d’une nuée de couleurs.. et la ballade s’estompe, comme un air de fin une harpe céleste nous guide à nouveau, le thème est pianoté, on replonge dans le cosmos…
Venue du fin fond des étoiles une boite à musique aérienne éclot, elle joue sa mélodie dans un ballet multicolore et scintillant, nous dorlote et nous apaise encore un peu plus dans cette épopée spatio-temporelle.. un instant éphémère qui fond en douceur vers une nouvelle ambiance : une courte « valse à cinq temps » qui nous prend par la main et nous emmène avec elle dans une autre danse, nous fait tournoyer, avant de s’éteindre à son tour ; alors, le piano gronde à la manière d’un « Bohemian Raphsody », c’est une nouvelle transition, quelque chose se prépare…. 1, 2, 3 coups de cymbales ! Le piano et la basse sont lourds, l’ensemble illumine alors l’horizon sidéral et moi je suis sidéré : « David GILMOUR » prend possession de l’espace, « Go Jonny, go ! » c‘est une explosion, la guitare de Jonny B. s’envole, épique, elle nous accapare ! Impossible alors de ne pas penser aux incroyables « trips » du groupe Pink Floyd, ce style, ces couleurs, des sonorités et une inspiration psychédélique puissante, viscérale ; la batterie et basse sont unies, épurées, légères, le piano Kawai mêlé de la Martin à six cordes accompagnent la mélodie envoûtante, le groupe nous offre un moment puissant, intrinsèque : je ferme les yeux et me laisse porter… Le solo dure moins d’une minute et il résonne encore quand il glisse vers un ultime refrain éclatant et à l’unisson, Chris et Will chantent comme un couple inséparable et indissociable, l’orchestration derrière eux est céleste, portée par une section rythmique fidèle et inébranlable.
8 minutes 05 déjà et les énergies retombent, on baigne à nouveau dans cette ballade, dont les sonorités me rappellent « Hypnotised », l’une des cinq musiques du « KALEIDOSCOPE EP » sorti en 2017 ; l‘ambiance redevient calme et intimiste, le chanteur quarantenaire murmure presque et pose délicatement les notes sur son clavier, on se repose, on se remet de ces émotions qui nous ont traversées. « Les poètes prophétisent dans le bleu, ensemble, c’est comme ça que nous y arriverons… » comme un appel à l’évasion, au rêve, le voyage semble alors toucher à sa fin sur une note d’espoir et dans la légèreté d’un dernier coup de cymbale, la harpe vient nous jouer sa mélodie une toute dernière fois pour être un ultime changement, vers un piano/voix lointain qui entame le dernier cycle de ce voyage, dans un écho il résonne au creux des cieux comme une dernière étoile lumineuse, qui elle aussi finit par s’éteindre : mais même dans la profondeur de l’obscurité spatiale, l’espoir subsiste et quelques notes cristallines et éphémères viennent étinceler, colorées.. et nous laissent seuls, flottants encore dans le silence et le vide stellaire, perdus quelque part, aux frontières des rêves et du système des « Sphères »….
Au bout de 10 minutes 18, le voyage s’achève alors pour de bon, c‘est une expérience, un mélange d’émotions, autant de nuances sur une seule et même musique ! Des ambiances qui m’ont ramenées à l’aspect aérien et magistral de leur album « X&Y » mais plus particulièrement sur « Atlas », bande originale magnifique composée pour le film « Hunger Games : Catching Fire » de 2013. Un incontestable chef d’œuvre de rock progressif surprenant et inattendu, un instant suspendu qui nous emmène dans un ailleurs imaginaire, nouveau mais familier ; c‘est une aventure intérieure merveilleuse, surprenante et nébuleuse : Coldplay s’est surpassé et j’affirme alors sans aucun doute que j’en ai bel et bien rêvé et que ce morceau, est d’aussi loin le meilleur de toute leur carrière.
« Coloratura,
The place we dreamed about
The melodies inside yourself
[…] In the end, it’s all about
The love you’re sending out… »