Black Country, New Road – For the First Time

Le rock a toujours été un moyen pour la jeunesse d’exprimer son mal être, de l’anticonformisme au simple ennui. Aujourd’hui, la succession des crises économiques auxquelles s’ajoute la crise sanitaire bouche toute perspective d’avenir à une génération entière. On a dit qu’il ne fallait pas chercher plus loin la résurgence du punk britannique, de Shame à Fontaine DC. Avec Black Country, New Road, tout ça prend des formes inédites, et ces jeunes gens propres sur eux livrent en 2021 leur premier long format, le fort bien nommé For the First Time.

Black Country, New Road regroupe sept musiciens dépassant à peine la vingtaine, qui se sont rencontrés sur les bancs d’un lycée de la ville cossue de Cambridge. Alors qu’ils devraient poursuivre une doctorat en physique ou chimie, les voici produisant une musique aussi torturée qu’abrasive. Comme quoi la crise touche tout le monde. 

Le saxophone sonnera plus tard comme une alarme, parce qu’il y a urgence. Urgence de quoi, on ne sait pas trop, urgence de tout, ce qui nous laisse bien démunis face à la tournure des évènements. Mais en introduction, il donne dans le klezmer, quelques membres du groupe sont aussi dans une formation jouant cette musique des juifs d’Europe de l’Est. Et puis Isaac Wood prend le micro pour Athens, France, un titre qui a contribué à la renommée naissante de Black Country, New Road outre-Manche. Mais ce n’est vraiment qu’avec le suivant Science Fair que les choses sérieuses commencent, un titre aussi impressionnant que massif. Tout se déstructure, comme si le haut devenait le bas, la gauche, la droite, les cuivres brûlent, le violon tranche, et la voix tremble d’angoisse « It’s Black Country out there » !

Comme perclus de fatigue, Sunglasses vient mettre des mots plus distincts sur le malaise. « I am so ignorant now with all that I’ve learnt » regrette-t-il, face à ce système qui pourrait faire de lui un cadre supérieur, mais qui n’apprend pas les rapports humains. C’est aussi ça la crise. Le titre dure dix minutes, bascule quand il voit le monde à travers les lunettes de soleil qui permettent de poser le regard partout et d’acquérir une nouvelle consistance.

Shellac et Slint sont invoquées, ce qui permet de situer la musique du septet côté noise, de comprendre cet étonnant mélange de sécheresse et de créativité, ce foisonnement complexe dénué de rondeurs. Pourtant Track X apporte un certain répit, le violon donne des airs de printemps avant que Opus ne viennent conclure. Les cuivres se font festifs, le klezmer était peut être aussi un échappatoire aux difficultés du quotidien. Tout s’envole follement, une ivresse bienvenue que tempère Isaac Wood, définitivement pas le boute en train de l’année. « What we built must fall to the rising flamеs » finit-il par crier en conclusion de ce premier album aussi impressionnant que fascinant. Attention, nous avons ici un X-Man au mental pas très stable.

 

 

There are 2 comments for this article
  1. anaïs at 13 h 12 min

    !!! Sunglasses est un putain de morceau découvert l’an dernier ! et je me suis donc précipitée sur l’album, le meilleur truc à sortir d’Angleterre depuis la fin de THE FALL, avec les Sleaford Mods ; j’espère que ça tiendra plus longtemps la route que les poseurs de Fat White Family ! sec et abrasif pour de vrai, un bon disque pour attendre sagement la fin du monde

    • Julien B at 14 h 15 min

      Merci de nous partager ton enthousiasme pour ce groupe. Concernant Fat White Family, tout pareil, une claque puis plus rien …

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