Le Son du moment – Feu! Chatterton / Avant qu’il n’y ait le monde
Elle serait certainement notre problème principal si une pandémie mondiale ne l’avait pas éclipsée d’un seul coup. Car elle bouleverse nos vies sans ménagement depuis déjà une vingtaine d’années : Notre amour, notre travail, notre consommation, notre culture, tout y passe.
La rupture numérique ! Ta dammmm !
La voilà à l’honneur ou sur le banc des accusés (à vous de choisir votre camp) du troisième album des Feu! Chatterton : Palais d’argile.
Feu ! Chatterton fait partie de mes groupes doudous ! Ceux sur lesquels je reviens inlassablement trouver du réconfort auditif. Ils ne sont jamais trop loin depuis cette vidéo du titre « La mort dans la pinède » sur laquelle je suis tombé par hasard en 2015. Cette vidéo où Arthur Teboul, chanteur poète du groupe, crevait déjà l’écran avec sa gouaille, ses gestes, son chant et ses mots. Il a le fluide ! Ce petit truc en plus qui ne s’explique pas et qui crée une connexion instantanée à l’âme, ou l’inverse. En effet, ce que je trouve chez lui de fascinant doit certainement en énerver d’autres. A commencer par ma femme qui ne supporte pas sa façon de chanter. Soyons honnêtes, c’est une très bonne nouvelle puisque cela me permet de lui chantonner à longueur de journée les vers des feu! histoire de la taquiner un peu. Ha, les plaisirs simples de la vie !
Après 2 albums, Ici le Jour (a tout enseveli) en 2015 et l’Oiseleur en 2018, après plusieurs concerts mémorables j’étais dans la fébrilité la plus totale. Celle que l’on ressent juste avant les premières notes du premier titre du nouvel album d’un groupe doudou ! Les espoirs sont grands, les expériences décevantes nombreuses. On ferme les yeux, on croise les doigts et on presse le bouton play.
Monde nouveau. Voilà le premier titre de ce palais d’argile. L’écoute est religieuse, les paroles coulent, l’atmosphère est là. Ouf ! Le titre est efficace, accrocheur, le refrain entêtant, mon groupe doudou est de retour ! Quelques jours plus tard c’est au tour du second extrait : Avant qu’il n’y ait le monde, une adaptation d’un poème de W.B. Yeats qui résonne dans mon salon. Un piano, une voix mélancolique apaisée. C’est beau. Il faudra attendre alors quelques jours supplémentaires pour voir débouler l’album entier et sa couverture représentant une carte mère sous un plastique bleu électrique, qui ressemble à un palais vu d’en haut.
Les trois premiers titres sont liés par le sens des mots d’Arthur Teboul. J’y vois cette critique à notre nouveau monde numérique et ses dérives. Même le titre de l’album y fait, d’après moi, référence. L’argile de ce grand palais n’est-elle pas une image de la matière principale qui pullule dans tous nos appareils électroniques à commencer par les cartes mères de nos ordinateurs : le silicium ? Autant fragile que le colosse, ce palais pourrait bien s’écrouler sur nous-même comme dans le troisième titre de l’album : Ecran Total.
L’album déroule ensuite ses chansons mêlant l’univers que l’on connait déjà du groupe et les touches électro du producteur choisi pour cet effort : Arnaud Rebotini. Ce dernier est loin d’être un inconnu. Il a fait partie de différentes formations : Black Strobe ou le groupe de death métal Post Mortum. Il est aussi l’auteur de la bande originale du film 120 battements par minute. Des nappes de synthé, des parties entièrement électro, comme le final de Cristaux liquides, ajoutent aux titres une nouvelle dimension, de nouveaux horizons.
Comme pour l’album précédent, l’Oiseleur, il m’aura fallu quelques écoutes pour rentrer entièrement dans ce Palais d’argile. Je n’accroche pas sur l’ensemble des titres mais les fulgurances de certains, les paroles d’autres me font déjà ranger ce troisième album parmi mes incontournables. La douceur de Aux Confins, les 9 minutes et 35 secondes de Libres, la proximité de Panthère et l’espoir de la réalisation prochaine de la conclusion des paroles d’un Monde Nouveau…
« Se prendre dans les bras, s’attraper dans les bras, ça on le pouvait. »
Texte de Nicolas W