[Chronique] Elysian Fields – Transience of Life
Rarement sortilège n’aura duré aussi longtemps, voici plus de vingt ans que celui jetait par Elysian Fields nous tient suspendu dans son univers mystérieux et sensuel. Pourtant et malgré son nom, Pink Air, leur album de 2018, était exceptionnellement tendu, planté dans le présent avait failli rompre l’envoûtement par son caractère plus terre à terre. Mais cet automne, le groupe sort Transience of Life, un dixième album onirique qui nous transporte vers un lointain orient.
Le metteur en scène Jim Findlay a proposé au groupe de composer des musiques inspirées du livre Le Rêve dans le Pavillon Rouge du chinois Cao Xueqin, ouvrage monumental de plus de trois mille pages, merci du cadeau, et ainsi est né cet album. Il s’articule autour du thème de l’amour impossible, une sorte de Roméo et Juliette en plus complexe, resitué en pleine déliquescence de la dynastie Qing.
A l’image de l’œuvre du XVIIIème siècle, Transience of Life dure et passe d’une émotion à une autre, les plus fous espoirs entraînent immanquablement de cruelles désillusions. Moments suspendus et rêveries cotonneuses comme Spurned by the World enchaînent avec des titres plus sombres et soucieux tels que Sorrow Amidst Joy. Des éléments musicaux des deux mondes se mêlent à merveille, dans Separation of Dear One, Jennifer Charles chante en faisant durer à l’infini les syllabes, à la manière orientale, alors que le morceau finit sur des grincements noise. La guitare navigue entre Chine et New York alors qu’on note aussi la présence sur ce disque de Saengkwang Gamin Kang, virtuose du piri.
Bien que l’histoire derrière ce disque ne paraisse pas des plus simples, la magie opère rapidement. On se laisse volontiers happé dans cette faille spatio-temporelle et s’est un réel plaisir que de s’enfoncer dans des morceaux tel le vaporeux et lascif Vain Loging. La conclusion rejoint donc l’introduction, vingt après, Elysian Fields nous tient toujours sous son charme vénéneux.