[La Reprise du Jeudi] 15 variations de Summertime
« Summertime and the livin’ is easy », par cette douce phrase débute une des chansons les plus reprises au monde. Selon un regroupement de collectionneurs, il en existerait 82 723 enregistrements connus au 31 juillet 2020, de nombreuses légendes l’ont interprété jusqu’à d’innombrables amateurs.
Summertime est tiré de la première scène de l’opéra Porgy & Bess, composé par George Gershwin en 1935. L’oeuvre conte la vie de Porgy, un mendiant estropié, qui tente de sauver la jeune Bess des griffes d’un dealer qui voudrait la prostituer. L’action se déroule dans les quartiers noirs de Charleston en Caroline du Sud, et pour l’instant, alors que la crise fait rage dans le pays, on se la coule douce parmi les taudis.
Le thème de Summertime va vite être adapté pour les orchestres de jazz et joué par et pour les plus grand(e)s : Billie Holiday, Louis Armstrong & Ella Fitzgerald, Duke Ellington, Charlie Parker, Nina Simone etc etc …
Si le succès de l’opéra est énorme sur ses premières années, il fera par la suite l’objet de nombreuses critiques de la part de la population noire quand la parole de celle-ci commencera à se faire entendre au début des années 60. Porgy and Bess est construit sur des stéréotypes, qu’est-ce que Gershwin, juif de Brooklyn, connaît à la vie des quartiers noirs du sud ?
Toujours est-il que l’opéra fait aujourd’hui parti des œuvres les plus marquantes de la culture américaine, à commencer par sa berceuse d’ouverture, Summertime. Voici donc l’original suivi de 14 reprises (cliquer sur l’icône en haut à droite du cadre Youtube pour voir la liste), une sélection, vous l’aurez compris, pas du tout exhaustive. En plus de quelques unes des légendes pré-citées, on retrouve le grand numéro de vocaliste de Sarah Vaughan, une Norah Jones fidèle à ses aînées alors que Tori Amos ou Angélique Kidjo font parler leur personnalité. Côté blues, Janis Joplin livre la prestation la plus intense avec derrière elle, un Big Brother & Holding Compagny à son sommet. Big Mama Thornton se fait de la place dans un univers d’hommes. Beaucoup de grandes dames, donc, cocorico, les Bordelais de Shaolin Temple Defenders jouent pour la Godmother of Soul Martha High. Chez les hommes, on reste dans les années 60 pour retenir le rock’n’roll Ricky Nelson et les très pop Zombies. A noter que l’univers pop/rock n’a pas offert les versions les plus convaincantes.
Reste les bidouilleurs, ceux qui ont su arranger Summertime, le découper / coller. Dans les années 90, les Californiens de Sublime avaient eu leur petit succès avec une musique hybride entre punk reggae et hip-hop. Sur Doin’ Time, ils reprennent le thème et le refrain pour un morceau aussi savoureux que In These Time, adaptation reggae dub chantée par Errol Walker et produite par le sorcier jamaïcain Lee Perry en 1977.