[Playlist] Histoire d’un confinement II
La France est confinée depuis le 15 mars pour couper la propagation du COVID-19. Un état que le président Macron a prolongé jusqu’au 11 mai.
Après une première histoire du confinement, en voici une deuxième, toujours en musique.
1 – Le Villejuif Underground – Wuhan Girl
A l’occasion d’une tournée en Chine, les garagistes du 94 discutent avec une fille de Wuhan sous les buildings de Shangai. Ils se promènent, filment dans la rue les parties de dominos et par la fenêtre du train les quartiers en construction.
Ont-ils gardé contact avec la Wuhan Girl ? Peut être qu’elle sait quelque chose sur ce qu’il se cache là-bas ? Du nombre officiel de victimes anormalement bas à l’histoire de l’homme qui avait mangé un pangolin qui avait mangé une chauve-souris, saurons nous un jour quelque chose ? Quant à la nouvelle hypothèse de l’incident de laboratoire qui enfle, reprise par des scientifiques digne de confiance … Qu’en sait la Wuhan Girl ? Qu’est-ce qui s’échappe de la chape de plomb ?
2 – The Modern Lovers – Hospital
En 1972, Jonathan Richman dit à sa petite amie combien il l’aime, malgré ce qu’elle a fait. Elle sort de l’hôpital, on imagine qu’elle y a séjourné pour une tentative de suicide ou une overdose. Il parle spécialement de son regard, « I’m in love with yours eyes … »
Quand un malade, une fois guéri, rejoint sa famille, a-t-il quelque chose de changé en lui, du fait d’avoir frôlé la mort ? Un goût accru pour la vie ?
On imagine l’émotion des retrouvailles quand tout ça sera fini. Quand une infirmière reverra sa famille après des mois de tensions intenses, au delà de la fatigue extrême, verra-t-on un surplus d’humanité dans leur regard ?
Sans doute à l’avenir, elles préférerons de meilleures conditions de travail à une canonisation.
3 – La Compagnie Créole – Au Bal Masqué
Le masque est l’objet symbole de cette crise sanitaire. Même pour le personnel soignant, il demeure introuvable, la France n’a pas de stock. Ils sont fabriqués en Chine et la production est là-bas à l’arrêt à cause de la maladie. Quand elle redémarre, les Etats Unis raflent tout, maîtrisant sur le bout des doigts la loi de l’offre et de la demande. Tout ceci n’est qu’un exemple de plus des limites de la mondialisation. Quelques usines françaises se lancent dans la fabrication, mais ça prend du temps. Côté communication gouvernementale, l’utilité du masque semble varier selon son accessibilité. Tout ça n’est pas clair.
Alors, quand sur les réseaux sociaux fleurissent des tutoriels pour fabriquer son propre masque, ça a l’air d’arranger tout le monde. Peut-être bien que son port sera obligatoire pour sortir de sa grotte le 11 mai. Il deviendra alors un objet de mode et son efficacité face à la maladie sera peut-être secondaire. Alors, la vie d’après sera un gigantesque bal masqué ohé ohé !
4 – Alice Cooper – School’s Out
Et les enfants dans tout ça ? Pas vraiment en cours, pas vraiment en vacances. Ne pas pouvoir aller jouer dehors, se chamailler avec son frère ou sa sœur, se faire gronder par leurs parents, en voilà un triste quotidien. Mais le pire, alors que leurs parents peinent à organiser leurs journées de télétravail, eux devraient écouter la maîtresse en visio-conférence, recevoir et renvoyer les devoirs par mail. A la radio, des petites Apolline de 8 ans expliquent être stressées et avoir peur de rater leur vie.
Bon sang, mais elle est où l’insouciance ? Vivement les grandes vacances, mais le ministre a dit qu’elles seraient studieuses, et pour la semaine de camping à Vieux Boucau, ça a l’air compromis … Le salut des cancres ne repose plus que sur Alice Cooper qui voulait réduire les écoles en poussière en 1972. Mais aujourd’hui, ce genre d’individu pas très net ne pourrait plus d’approcher d’établissement scolaire sans finir au trou (et c’est peut être pas mal)
5 – The Be Good Tanyas – Waiting around to die
Dans cette chanson, Townes Van Zandt chante de sa voix cristalline la misère white trash, d’une enfance violente à une vie de poisse. Il en conclut qu’il ferait de rester là à attendre la mort. L’artiste folk a grandi dans le Texas à la charnière des années 40 et 50. Il ne garde pas de rancœur, passé au-delà de la souffrance, il émane seulement de son oeuvre une immense mélancolie.
Dans la reprise de The Be Good Tanyas, le refrain « It’s easier than just waitin’ around to die » tombe dans une fatalité dramatique. On peut penser à nos parents et grands parents, seuls dans leur chambre d’EHPAD, qui même épargnés par le COVID, perdent lentement le goût de la vie. Et finir ses jours ainsi, loin de ceux qu’on aime, quelle tristesse infinie.
6 – Christophe – Les Mots Bleus
Pendant ce temps, la pandémie avance, le COVID fauche plus ou moins selon le sérieux des politiques mises en place. Il est des virus qui touchent plus les pauvres que les riches, notamment ceux qui profitent d’une mauvaise (ou l’absence de) distribution d’eau. Le COVID ne fait pas distinction de classe. Le malade le plus célèbre est le premier ministre anglais Boris Johnson qui est tiré d’affaire. En France, on compte l’homme politique Patrick Devedjian, l’ancien président de l’OM Pape Diouf, le saxophoniste Manu Dibango (ici photographié à Marciac en 2019) ou le chanteur Christophe.
Ce dernier était connu comme un confiné volontaire, passant de plusieurs jours et nuits cloîtré dans son appartement afin de composer. D’autres l’auraient plutôt imaginé mourir au volant d’une voiture de sport rouge sur une route varoise, mais voilà, face à cette maladie, nous sommes tous égaux.
7 – Billy Bragg & Wilco – Against the Law
Billy Bragg est auteur compositeur anglais dont la discographie l’a amené du folk au punk, tout en gardant un militantisme marqué bien à gauche. Avec les américains de Wilco, il regrettait qu’Ever’thing’s aginst th’ law, sur un banjo country.
Des nombreux français auraient pu reprendre ce refrain à leur compte, arrangeant à leur manière les lois du confinement, dans un besoin de liberté majorée. Plus ou moins responsable, plus ou moins conscient. Des amoureux séparés se rejoignent en longeant les murs le soir venu. Des marcheurs s’enfoncent dans les bois, dépassant peut être bien le kilomètre réglementaire de plusieurs kilomètres.
La palme d’or, évidement, revient à ses deux potes de la région parisienne qui se sont lancés dans un tour de France, se prenant en photo en haut de la dune du Pyla et en bord de mer à Biarritz. L’aventure prend fin à Gavarnie où la descente du cirque manque de tourner au drame.
8 – Daft Punk – Around the World
En France, le gouvernement gère la crise en cherchant le bon équilibre entre la santé publique, les libertés individuelles et les indicateurs économiques. Ailleurs dans le monde, certains ne s’embêtent pas de telles sensibilités ou se moquent bien de l’opinion publique.
Aux Etats-Unis, évidemment, c’est un festival. Des partisans de Trump brandissent la constitution pour dire qu’on ne les confinera pas. Des pasteurs pentecôtistes prêchant que l’amour de Dieu les protégeraient du COVID sont morts du COVID. En Floride, les combats de catchs ont repris, puisqu’ils sont de première nécessité.
Au Brésil et en Biélorussie, pas de problème puisque il a été décidé que la maladie n’existait pas. Dans la dernière dictature d’Europe, le championnat de foot suit son cours, au plus grand bonheur des parieurs sportifs. Ces derniers, en grand manque, se passionnent pour des Torpedo Zhodino / Gorodeya.
Et puis, il y a les zélés du confinement où on tire à vu sur les récalcitrants, aux Philippines ou au Nigéria. Dans le pays le plus peuplé d’Afrique, le bilan officiel fait état de 18 morts abattus pour non respect du confinement pour 12 décès liés au COVID. Beau ratio.
9 – Piers Faccini – Goin’ Down South
Et la musique dans tout ça ? Les sorties de disques sont repoussées, les festivals annulés. Les lieux de concerts sont évidemment fermés et leur avenir s’assombrit tous les jours un peu plus, la culture n’étant pas la priorité du plan de relance de l’économie (mais existe-t-il vraiment, ce plan ?)
L’idée séduisante du concert à la maison, du morceau de confinement a vite fait son trou sur les réseaux sociaux, avec notamment l’organisation du festival Je reste à la Maison, où les prestations « maison » s’enchaînaient toutes les demi-heures, passant de la cuisine de l’un au salon de l’autre. Le côté pratique est qu’on met pas deux plombes à choisir son t-shirt pour sortir, qu’on peut rester en pantoufle, mais il est évident que ça n’a ni le goût ni la saveur d’un concert « comme avant ».
La star des sessions de confinement est sans conteste Piers Faccini (ici photographié à Saubrigues). Ce musicien fantastique est « enfermé » dans son studio des Cévennes qui doit comprendre deux hectares de bois et de garrigues, ainsi que de beaux murs en pierre. Il peut changer de décor à chaque vidéo, des fois dos aux arbres, des fois contre une porte qui doit s’ouvrir depuis un siècle. Et puis des fois, il joue de la mandoline pour Arte, et le lendemain une guitare électrique pour Canal+.
Une star.
10 – Arcade Fire – Month of May
En mai, fait ce qu’il te plait. Mai et ses jours fériés. Le mois de mai où fossés et parterres sont fleuris. Cette année, le 11 est coché sur tous les agendas, le jour des folles espérances. On va se déconfiner, on va sortir ! Attention toute fois, il risque d’y avoir plein de « mais » en mai, notre premier ministre les dévoilera au fur et mesure du compte à rebours. Il va falloir patienter avant de reprendre une vie normale, pour le bien de tous.
Pour tenir encore, pourquoi ne pas s’appuyer sur la générosité des canadiens Arcade Fire qui chantaient le mois de mai (en français dans le texte) sur leur album The Suburbs.
Restez à la maison et prenez soin de vous.
L’affiche illustrative est de Mathieu Persan.