Live report – Colonie de Vacance
Depuis le début de l’édition 2017, l’Eté à Pau se joue d’une météo instable, maintenant au maximum ses concerts gratuits dans le cadre bucolique du Théâtre de Verdure. Sauf ce mardi, de Beaumont le bourgeois au Hédas le populaire, le festival s’associe au label A Tant Rêver du Roi et s’encanaille en descendant dans l’ancien coupe gorge heureusement réhabilité par François Bayrou. Sur la place Récaborde aux pavés désormais propres, les curieux venus nombreux vont bientôt subir une expérience unique, placés entre quatre scènes où joueront en simultané autant de groupes : Pneu, Electric Electric, Marvin et Papier Tigre pour la performance nommée La Colonie de Vacances.
Mais avant cela, Abbatha Cash. Eurovision, pornographie, country, il y a trop de référence dans ce pseudonyme pour un seul homme. Délaissant celle qui ne peut s’exprimer publiquement à 21h, le ménestrel au milieu du public (déjà vu à Musicalarue sous l’identité du voltigeur Monsieur le Directeur) reprend le groupe suédois à la guitare sèche. De sa bouche, la critique sociale Money Money Money prend une autre dimension, on jugerait être dans un miséreux chariot durant la grande dépression, laissant l’Oklahoma pour la Californie, s’il n’avait pas un pull à paillettes. Sur Gimme ! Gimme ! Gimme ! il siffle trois fois comme le train et emprunte à l’homme en noir sa fameuse rythmique de locomotive. Voilà voilà voilà.
La nuit tombe sur le Hédas. En haut, les immeubles gardent leur meilleure façade pour les rues commerçantes, tournant ainsi le dos au quartier, lui montrant non pas leur cul mais des dizaines et des dizaines de fenêtres non alignées, aux volets écaillées, de murs défraîchis et pentes de toit descendant dans le désordre. Une irrégularité, une multitude charmante. Sur une scène, un guitariste commence à faire ronronner la machine, qui monte régulièrement en intensité au fur et à mesure que les autres musiciens s’installent. Le public converge vers le milieu, ça sera son principal objectif du début du concert, accéder à l’intersection des diagonales du carré formé par les quatre scènes pour une écoute en quadriphonie optimale, mais dans cette quête partant de Pneu, on dévie vers Marvin. Un roulement de batterie commence à droite et finit à gauche. La voix principale vient de Papier Tigre, la foule le reprend, mais ce n’est qu’une illusion ! Les chœurs viennent des autres scènes. On ne sait pas où donner de la tête, des nappes planantes sont interrompues par des éclats de claviers, un tonnerre de batterie surgissant dans notre dos, le top serait que le carré sous nos pieds s’incline, chavire mais on n’est pas au Futuroscope non plus. Peu à peu la transe s’installe, s’intensifie, s’arrête et reprend à l’opposé comme projetée dans les cordes. Des stridences noise déchirent l’espace, le milieu de la casserole est désormais à ébullition, un mec y est levé pour slammer dans la foule, sauf qu’il y reste, ne peut pas nager à contre courant, coller là par une force centrifuge.
Le final est sauvage, on lit l’extase sur les visages transpirants. Si les vacances duraient toute la vie, la colonie aussi, et peut être que ceux du milieu finiraient par développer une troisième, puis une quatrième oreille.