The Beach Boys – Good Vibrations

En 1956, à Los Angeles et, plus précisément, sur Melrose Avenue, Dorinda morgan et son mari Hite fondent Guild, une maison d’édition musicale et un petit studio destiné à l’enregistrement de démos. Parmi leurs signatures, un dénommé Murry Wilson qui fait le forcing auprès du couple pour que soit auditionné The Penseltones, le groupe de ses trois fils, Brian, Carl et Denis.
Séduits par les harmonies vocales qu’ils entendent, les Morgan trouvent néanmoins que l’ensemble manque de peps. Brian Wilson propose alors une composition basée sur le Sweet Little Sixteen de Chuck Berry et qui fleure bon le soleil, la plage et les filles. Le groupe revient en studio et, avec la voix de leur cousin Mike Love, met en boite la démo d’un premier single. Les Beach Boys étaient nés. Tout s’enchaîne très vite, notamment avec la signature d’un contrat chez Capitol. Le groupe enregistre Surfin’ Safari un premier LP publié à l’automne 1962. Le succès est instantané et entraîne cinq mois plus tard Surfin’ USA, le deuxième album enregistré en moins de trente jours. Les hits se succèdent et les tournées s’enchaînent à une cadence infernale. Brian Wilson, leader et principal auteur supporte de moins en moins cette ″ Surfmania ″ qui hystérise les foules et la pression qui exige de la formation qu’elle soit la seule susceptible de mettre fin à la ″ Beatlemania ″ sur le sol américain. Il en a assez de ces chansons saugrenues qui ne parlent que d’amours d’été, de plage et de bagnoles. La concurrence avec les Beatles obsède de plus en plus Brian qui s’est mis en tête de surpasser le groupe anglais. Les premiers signes de déséquilibre mental apparaissent. Contractuellement sensé partir en tournée fin 1964, il refuse, s’isole dans sa chambre, se met à boire et sombre dans une profonde dépression. Les Beach Boys s’envolent quand même pour l’Europe et c’est Glen Campbell qui assure le remplacement du désormais hermite. Sous l’influence de drogues diverses, Wilson monte son propre studio et commence à travailler sur un nouveau projet qui aboutit à Pet Sounds que les journaliste unanimes considèrent comme l’ultime album pop. Mais, obsédé par le succès phénoménal du Revolver des ″ Fab Four ″, il veut faire plus et encore mieux avec Smile, un disque introspectif, complexe et tellement ambitieux que sa sortie est sans cesse reportée. De plus en plus malmené par l’alcool et les drogues, obèse, hirsute, Wilson sombre dans la folie. Il vit en pyjama, plante son piano dans un bac à sable, peint sa maison en violet, installe une tente dans son salon et ouvre une épicerie de nuit. Chez Capitol c’est la panique. Les autres garçons de plage, obligés de voler de leurs propres ailes, sont en panne d’inspiration ; ils ont besoin de l’imagination et du talent leur poule aux œufs d’or.
Sous la pression et dans un moment de lucidité, le compositeur accepte finalement de livrer un extrait rescapé du naufrage de SmileGood Vibrations sort en single en octobre 1966. C’est l’enregistrement le plus coûteux de l’histoire de la musique : 50 000 dollars pour ce titre dont la mise en œuvre a nécessité 22 sessions réparties dans quatre studios différents. Pendant plusieurs mois, l’artiste a élaboré un montage astucieux et génial en assemblant parties instrumentales et harmonies vocales parmi les plus belles jamais enregistrées par les Beach Boys. Pour les paroles, il se laisse porter par le psychédélisme ambiant qu’il illustre avec une bluette sentimentale et poétique.
″ J’aime la couleur de ce qu’elle porte et la façon dont la lumière joue avec ses cheveux. De doux mots accompagnent le vent qui diffuse son parfum. J’en capte de bonnes vibrations qui m’inspirent. Je ferme les yeux, elle est plus proche maintenant. Elle sourit, elle est charmante. Quand je plonge dans son regard, elle m’emmène dans un monde chatoyant ″.
Hymne emblématique de la contre-culture des sixties, la chanson amorce un retour en grâce des Beach Boys auprès d’un public déconcerté par la complexité de Pet Sounds qu’il n’a ni compris, ni apprécié. Au sein du monde musical les avis sont partagés. Certains considèrent le morceau comme ″ l’une des rares œuvres rock organiquement complètes ″. Moins enthousiaste, un Pete Townshend pas encore sourd déclarait : ″ Good Vibrations était probablement un bon titre mais il fallait l’écouter une bonne centaine de fois pour entendre ce qu’ils chantaient ″. Un Phil Spector pas encore ad patres a critiqué le single comme étant issu de bidouillages techniques, le qualifiant de ″ disque de montage ″. Plus tard, Nina Hagen, The Troggs ou Kenny Rodgers s’approprieront le tube via des reprises intéressantes. Todd Rundgren également. il en fait une étonnante version, quasiment à l’identique, sur son album Faithful paru en 1976.
Good Vibrations sera classée sixième meilleure chanson de tous les temps selon le magazine Rolling Stone et quatrième par le site Acclaimed Music. Elle recevra aussi le Grammy Hall of Fame Award en 1994.

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Patrick BETAILLE, août 2023

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