Décès du Sugar Man: Sixto Rodriguez
Originaire du Michigan, issu d’une famille mexicaine qui a immigré aux États-Unis dans les années 1920, Sixto Diaz Rodriguez a passé la plus grande partie de sa vie de façon erratique. Préférant la musique aux études qu’il abandonne dès ses 16 ans, fan des Stones, de Leonard Cohen, de Ray Charles, des Beatles et de Bob Dylan, il se consacre alors à ses propres compositions qu’il rode lors de concerts dans les bars mal famés de Detroit où il joue dos au public. ″ I’ll Slip Away ″, son premier 45 tours, sort en 1967 dans l’indifférence générale. Le guitariste ne s’avoue pas vaincu pour autant et, au début des années 70, parvient à sortir deux albums. Nouveaux échecs commerciaux qui entrainent une rupture de contrat avec la maison de disques. L’artiste sombre dans l’anonymat et survit grâce à des petits boulots dans le bâtiment et la blanchisserie industrielle. Désespérément obscur aux États-Unis, il tente un retour avec une tournée en Australie au début des années 80 puis disparaît des radars une nouvelle fois.
C’est en Afrique du Sud que se jouera le sort hors du commun de Sixto Rodriguez. Son premier album Cold Fact est piraté, vendu sous le manteau pour devenir un succès immense. Les chansons, interdites officiellement par le régime en raison de ses paroles engagées, deviennent des hymnes de la lutte anti-apartheid. Ses enregistrements deviennent disque d’or ou de platine sans que l’artiste n’en sache rien, ni ne touche les moindres droits d’auteur. C’est en 1996 que sa fille découvre sur Internet la notoriété dont jouit son père en Afrique du Sud surtout, mais aussi et de plus en plus dans le reste du monde. C’est en 2012 que tout bascule à nouveau: le documentariste suédois Malik Bendjelloul réalise ″ Searching for Sugar Man ″, un film qui retrace ce destin hors du commun en suivant fans et admirateurs, dont le disquaire Stephen Segerman, celui grâce à qui Rodriguez a pris conscience de sa popularité. Le film rafle des prix dans de nombreux festivals, dont celui de Sundance et empoche l’Oscar 2013 du meilleur film documentaire. Entre interviews sur les plateaux télé, en radios et dans la presse, les concerts se succèdent quitte à décevoir, un peu, et subir des critiques désastreuses, souvent, allant jusqu’à mettre en avant une théorie du complot selon laquelle le chanteur serait un personnage créé de toutes pièces tant ses performances sont alcoolisées, son jeu approximatif, sa voix inaudible et son attitude méprisante.
Le protest singer n’a jamais sorti d’autre album après ceux du début des années 70, pas de témoignage live non plus depuis 1998. Ainsi, avec de rares traces de son existence musicale, et à cause de sa récente disparition définitive à l’âge de 81 ans, Sixto Rodriguez continue à entretenir une légende du rock, la sienne.
Patrick BETAILLE, août 2023. Pour retrouver tous les articles, Cliquez ici > Black Bonnie!