[Le Son du moment] Hyperrêve / Si tu pleures (feat. Alain Damasio)
Derrière Hyperrêve se cache Samuel Lequette, auteur-compositeur-musicien-producteur. Il signe avec Nos absences futures un premier album électrique et poétique, après avoir collaboré dans l’ombre pendant plusieurs années en tant que producteur avec Asia Argento, Bertrand Bonello, Jessie Evans, Benjamin Paulin, Orties…
Dans un magnifique album choral, Hyperrêve invite de belles voix-personnages qui apparaissent, comme des spectres, des doubles ou des voix intérieures : Verity Susman (chanteuse du groupe culte Electrelane), Barbara Carlotti, Alain Damasio, Amanda Langlet (actrice pour Éric Rohmer dans Pauline à la plage et Conte d’été), Deborah De Robertis (artiste performeuse), Chloé Mons (chanteuse, actrice, compagne d’Alain Bashung), Delphine Le Vergos pour une relecture noise rock de la chanson écorchée et sensuelle de Nilda Fernandez et enfin Françoiz Breut.
Nos absences futures s’est construit du printemps 2020 à l’automne 2022, sur plusieurs périodes distinctes. D’abord, le matériel est réduit au minimum : guitare, basse, mellotron. Viennent ensuite les étapes parisiennes : dans le studio personnel du maître d’oeuvre Jean-Charles Versari avec Yan Péchin (co-réalisateur de l’album), Bobby Jocky, Arnaud Dieterlen et Erica Nockalls. Les chansons sont alors enregistrées et arrangées collectivement, en formation rapprochée, avec l’ajout de voix, de guitares, de banjos, de claviers et de violons. Bobby Jocky et Arnaud Dieterlen construisent des rythmiques puissantes et raffinées. Yan Péchin (guitariste pour Alain Bashung, Brigitte Fontaine, Hubert-Félix Thiéfaine, Jacques Higelin…) façonne la matière sonore à la manière d’un peintre ou d’un sculpteur.
Nos absences futures devait être l’un de ces albums où l’on entend et voit presque les musiciens, comme un groupe qui joue dans la pièce. L’album fut enfin sublimé au studio La Source par l’une des références du mastering en France,
Jean-Pierre Chalbos.
Écrites dans la langue française, mêlant rêves, dialogues amoureux et voyages imaginaires, les huit chansons mélancoliques et optimistes qui composent le premier album d’Hyperrêve forment un ensemble concerté et concis, qui évoque avec sensibilité le temps contemporain du saccage du vivant ainsi que nos désirs de nouvelles relations.
Les textes, urgents et poétiques, préfèrent l’interlocution ou l’énonciation collective à l’omniprésent Je lyrique. Ils parlent avec authenticité de l’entrelacement des humains avec les autres vivants (La Forêt ou Western), de la réinvention de
l’amour face à la fin d’un monde (la catastrophe écologique dans Rouge gorge, la guerre dans La ville), du réchauffement climatique et des frissons de l’éco-anxiété (Si tu pleures), des migrants naufragés en mer Méditerranée (Calypso) ou du temps qui traverse nos existences individuelles et collectives (Nos absences futures).
La voix est grave et douce, en mode parlé-chanté. Les instrumentations, toujours mélodieuses, oscillent avec grâce entre country-rock élégiaque et pop mélancolique catchy. On pense parfois à Dominique A, Hubert-Félix Thiéfaine, Daniel Darc ou Miossec. Audelà de nos frontières, on citerait volontiers Baxter Dury, Spain, Sparklehorse ou Wilco…