Hugh Coltman « Who’s Happy ? » – Jazz In Marciac – 25/07/2021
Jazz in Marciac redémarre en cette fin juillet entre Covid et virus, restrictions et pass sanitaires. Contre vents et marrés, résiliente en diable, l’institution tient le coup, subit les coups mais s’adapte comme elle peut… Cela donne une édition 2021, un peu étrange dans l’ambiance, désertée de sa folie foutraque habituelle, de son bouillonnement musical… Plus de démesure colorée. Les sourires heureux sont cachés par les masques, les bavardages chantants se sont éloignés, les bénévoles affairés sont à distance, les petits groupes dans les rues ou aux terrasses ont disparu. Exit le mélange détonnant entre gasconnades gourmandes, exotiques boutiques et notes scintillantes et joyeuses!! C’est pour tout dire un peu tristounet, un peu gris. La sagesse n’était pas l’épine dorsale du festival depuis 40 ans, elle en est cette saison l’émergence épidémique hélas! Heureusement, heureusement, il y a les concerts…. et ils ont été bien choisis les concerts ! Aurait-on besoin d’être revigorés, de se sentir plus vivants, plus en connexion humaine, de respirer àdonf malgré les masques? Après la tornade Robin Mackelle d’hier avec son empathie joyeuse, sa voix chaleureuse et son énergie diabolique, c’est au tour de Hugh Coltman de nous réveiller les papilles, de nous rouvrir les chakras, de nous chatouiller le moral, de nous repeindre en rouge et or!! Après son hommage délicat et profond à Nat King Cole, le voici de retour avec son nouvel album «Who’s Happy?». Les musiciens entrent un à un sur scène, histoire de planter le décor. Le gros cornet du soubassophone dépasse de la scène (Didier Havet, pilier rythmique de première qualité). La silhouette fine, dégingandée de dandy échevelé de Hugh Coltman précède une section cuivre explosive et rutilante qui va donner au spectacle toute sa coloration, celle de la Nouvelle Orléans là où le chanteur est parti enregistrer ce nouvel album. « Civvy Street » démarre en trombe et en fanfare, comme un vrai marching-band: percussions dansantes (Stéphane Huchard à la batterie magique!), mélodies qui enflent, saxophones, trombones ou clarinettes qui se croisent en tous sens dans un piston euphorique ou qui s’harmonisent pour une soufflante qui décoiffe (Frédéric Couderc, clarinette et sax baryton, Jérôme Etcheberry trompette, Jerry Edwards trombone). Ça pourrait ressembler à un bon vieux disque de Fats Waller sauf que la voix est celle de Coltman avec sa gouaille ravageuse au timbre rauque, sensuel ou perchée dans les cintres, sa capacité à l’impro la plus osée, sur le fil, toujours pile poil où il faut. Les ambiances s’alternent, les rythmes et orchestrations aussi. C’est gorgé de folk, de blues et de soul, coloré jusque dans le désespoir. Et il y a un peu plus que du jazz « old school » dans ces morceaux, on n’est ni dans la reproduction, ni dans la caricature. Comme pour ses disques précédents, il y met sa pâte, ses influences personnelles, sa facilité à voir un peu plus profond, un peu plus grave et le tout en gardant un groove remarquable, une pêche d’enfer. Il s’amuse sur scène naturellement, facilement, sans afféteries. Heureux d’être là, vraiment, de partager ces moments avec ses musiciens qu’il encourage, avec lesquels il fait le clown et auxquels il laisse une large place dans des impros nombreuses. Cela se sent et le public est rapidement dans le partage, les mains claquent, les têtes ondulent. On est heureux et on est bien. Ce routier des sentiments qui avoue s’être senti «inutile pendant tant de mois…» explore avec charme les émotions humaines, sensible au premier baiser, à la perte d’une proche, au paumé du soir ou au béat du petit matin. Il nous ressemble, nous parle au cœur, profondément. « Sugar Coated Pill » dévoile une atmosphère assez rétro avec un piano cabaret et une interprétation plus classique. Et « Ladybird » mélange les influences : guitares blues funk (Freddy Koella à la guitare, co-réalisateur de l’album est délicat et inventif), atmosphère cabaret et trompette bouchée (Jérôme Etcheberry qui nous offre un solo depuis le fond du chapiteau). «Caravan» en reprise funky accélérée, démantelée nous gorge d’un swing rutilant, les modulations s’enchaînent, rythmes en avant, bien roulant. La salle est conquise. On finira par un « Day dream » kaléidoscopique et une sortie de chaque musicien petit à petit. Un solo piano formidable et plein taquineries de Gael Rakontodrabe conclue le concert. Le rappel sera un feu d’artifice de solos, jeux et impros. Rien à jeter, et tout à prendre!! Et c’est tout bon : les papilles sont réveillés, les chakras sont ré-ouverts, le moral remonté et chatouillé. Nous voici repeints en rouge et or!! On est prêts à affronter le gris du ciel et de l’atmosphère présente, le masque qui oppresse et les contraintes qui épuisent. La musique est là, en nous, avec nous, elle nous soutient et nous porte, nous alimente et nous console.
Heureusement, heureusement…..
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Texte : © Annie Robert
Photos : © Thierry Dubuc : Cliquez ici
Lieu : Marciac, (FRANCE) | 25/07/2021