Le Son du moment – Animali / Able Archer
Nous avons découvert Animali avec le titre Genetic Bomb, mais c’est avec le clip de Able Archer que nous voulions vous les présenter.
Un nom énigmatique qui ne laisse rien paraître des enjeux réels : un exercice militaire qui laisse le monde au bord de l’apocalypse nucléaire. Et celui-ci de continuer à tourner, insouciant. Able Archer est une chanson qui évoque la destruction du monde par l’homme, l’apocalypse nucléaire, l’écocide, comme une fresque musicale de l’anthropocène.
Et concernant le clip, qui de mieux que le groupe pour en parler ?
« Voici le vidéoclip de notre single Able Archer. Il s’agit d’une œuvre graphique réalisée par Simon François et Frédéric Tacer, sur une musique d’Animali. Nous souhaitons prendre le temps de vous en expliquer l’intention, que vous soyez déjà FAN (Fin Amateur de Nous autres), chroniqueur en quête de sens à son papier, ou tout bonnement curieux. Un clip est certainement la rencontre entre deux intentions : celle du musicien et celle de l’artiste graphique. Arrêtons-nous d’abord sur la forme – politesse oblige – et puis aussi parce que c’est ce qui interpelle en premier lorsqu’on visionne un clip. Ce que vous voyez est le fruit d’un travail de recherche en vue de concevoir une vidéo ayant la plus faible empreinte (et donc taille) possible : format carré, noir et blanc et mise en avant du pixel en sont les principales caractéristiques techniques. Nous voulions ainsi prendre le contre-pied de la tendance à l’inflation numérique qui caractérise la plupart des productions actuelles, et contribuer à une réflexion collective sur l’impact d’activités « virtuelles », « dématérialisées », dont on commence à mesurer l’imposante matérialité. Les plus cyniques diront que « Hinhin, c’est surtout que vous n’aviez pas de pognon ! ». À ceux-ci nous confirmons que non, nous n’en avons pas des valises. Maintenant le fond de la forme : la narration du clip prend pour trame l’histoire de l’humanité, depuis l’apparition du cosmos aux premières formes de vie sur terre, jusqu’à l’extinction de la civilisation moderne, dont l’ « homme connecté » pourrait être le dernier avatar, perdu qu’il est dans sa « réalité augmentée ». Au vrai, l’objectif mal dissimulé d’un tel récit n’est-il pas de nous révéler notre nature d’êtres déconnectés – de notre environnement, de la communauté des vivants ? Si. Passons maintenant à la musique, qui constitue 50% de l’ADN de cette œuvre audiovisuelle subventionnée. Able Archer est une sorte d’essai musical collapsologue. Le Bulletin of the Atomic Scientists, responsable depuis 1947 de la fameuse Horloge de la fin du monde, met en avant le risque nucléaire et le changement climatique comme principaux facteurs pouvant mener l’humanité vers son auto-éradication. Le morceau fait explicitement référence à un exercice militaire de l’Otan mené en 1983 et qui avait vu le niveau d’alerte soviétique monter à des niveaux extrêmement préoccupants, faisant croître le risque d’une guerre nucléaire terminale entre les deux blocs. L’année suivante, l’Horloge de la fin du monde était symboliquement avancée à minuit moins 3 minutes. En 2017, elle fut encore avancée d’une minute, consécutivement à la prise en compte du facteur climatique dans l’évaluation du niveau de risque global. En janvier 2020, elle est fixée à son niveau record : minuit moins 100 secondes. Nous aurions pu choisir de louer les avantages de la nature, mais avons décidé d’opter pour une sorte de ballade-reggae-moderne-et-antiprolifération-nucléaire. Il serait sans doute naïf de prétendre bouger les lignes avec des chansons, alors prétendons naïvement que pour protéger ce qui nous est cher, nous devons profondément revoir notre manière d’être au monde. Ça ne commence pas là, ça ne se termine pas là ; mais assurément ça y passe. »