Avishai Cohen Trio – Jazz In Marciac – 07/08/2019
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Texte : Annie Robert
Photos : © Thierry Dubuc (https://thierrydubucphotographe.zenfolio.com)
Lieu : Marciac, (FRANCE) | 07/08/2019
Qui a dit que la contrebasse était juste là dans le jazz, pour planter les contretemps, que c’était juste un bel instrument secondaire pour magnifier les oiseaux de paradis que sont le piano ou les cuivres ? Mais, non madame, mais non monsieur …Mamie-contrebasse sait chanter, danser, virevolter. Et prendre un coup de jeunesse en changeant de dimension, avec Avishai Cohen !! Elle sait percuter, frapper du bois et de l’archet, se pavaner ou se plaindre. Elle va devenir une jeune fille au balcon, une adolescente qui danse sur les braises ou sur la lande, une compagne des vents du Sud. La demoiselle parée de ses atours se prépare au voyage ou à la noce, elle relève ses jupons pour sauter les ruisseaux. Elle est gaie et unique même si elle se fait par moments grave et troublée. Le trio impulse des ruptures de couleur et d’intensité permanentes, une structure solide et toute en finesse des compos. La contrebasse prend souvent le chant (et le champ également!) et le piano se résout au soutien mais ne perd rien de sa vitalité. La recherche mélodique est constante. Les trois musiciens dont la complicité, la complémentarité sautent aux oreilles, se passent le thème, se le volent, se le tordent et se le reprennent. Elchin Shirinov au piano est bluffant de qualité, de légèreté et d’invention. Noam David à la batterie est souple, sans esbroufe, léger sur la grosse caisse mais puissant, tout en jeu de balais. Il nous offrira deux impros savoureuses, variées et virtuoses, sans excès. Quant à Avishai Cohen, il va chercher dans le tréfonds de son «amoureuse» du bois frappé, des cordes d’attaches, des glissés et des slaps. Son jeu à l’archet sait tirer de son instrument des envols graves et mélancoliques. Du rarement vu et de l’émotion au bout des doigts. Avec des accents andalous ou yiddish, la contrebasse se fait lyre ou sitar et on plonge dans le folklore sans jamais lâcher le groove. Une musique sans fracas, mais avec une belle épaisseur, un univers de chants plus que de hurlements, d’oiseaux plus que de fauves. Sa simplicité apparente est due à l’incorporation totale de l’âme, ce joli petit morceau de bois placé au centre de l’instrument.
Les appuis entre le trio sont permanents, on ne sait pas qui suit l’autre et qui le précède, dans des échanges qui sont la marque d’un vrai travail de groupe et qui nous propulsent haut.
Grande mère nous enlace et nous redevenons petits-enfants, plein de câlins et de sommeils embrumés. Elle nous entraîne sur les rivages de la Méditerranée et nous redevenons auditeurs de contes enfuis. Le chapiteau laisse éclater sa joie et sa reconnaissance pour un tel moment que l’on sent unique. Un rappel qui resserre encore l’émotion lorsqu’Avishai Cohen se met à chanter «Sometimes I feel like a motherless child» en solo, puissant et nostalgique. Puis en suite le chant espagnol de Mercedes Sosa «Alfonsina vestida de mar», une chanson de son enfance, de celles qu’on se fredonne pour bercer les chagrins ou accueillir le marchand de sable. Les yeux commencent à piquer et la fatigue n’y est pour rien. La salle ne veut pas lâcher, pas question. Le groupe revient pour une salsa pleine d’allant et de contre-pieds en cadeau d’adieu … Ce soir, Grand Mère a chaussé ses ballerines, enfilé son habit de fête et s’en est allée au bal comme une princesse des mille et une nuits, une fée des bois. Une métamorphose inoubliable, qui doit à Avishai Cohen trio toute sa beauté.