Black Indians – Jazz In Marciac – 05/08/2019

 

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Texte : Annie Robert
Photos : https://blackindians.film

Film de Jo Beranger, Hugues Poulain et Edith Patrouilleau (sortie fin 2018) lardux film.

« Nous sommes le peuple de la transe. Nous parlons à l’Esprit. L’Esprit descend en nous. Ce lieu est notre église, les arbres, le ciel, le souffle de l’air, la terre, les fleurs. Quand nous dansons, nos pieds parlent aux oreilles de la Terre-Mère…. »

Voici un documentaire intéressant car il traite d’un sujet méconnu, caché et sans doute oublié de l’Amérique. A la Nouvelle-Orléans, cette ville unique en raison de son histoire, vibrante de musique, la transmission de la culture africaine se perpétue depuis trois siècles. Cette transmission a donné naissance à des formes à la fois artistiques, spirituelles, sociologiques, politiques, extrêmement profondes et dignes.
Et parmi ces formes d’expression, on compte une perle rare, les tribus de “Black Indians”, la rencontre artistique, musicale et spirituelle entre les noirs et les amérindiens. Lors des grands troubles autour de l’esclavage, de nombreux noirs pour échapper à leur condition ont fui et rejoint les tribus d’indiens qui les ont accueillis la plupart du temps et cachés parmi eux. De nombreux métissages ont eu lieu et les deux cultures se sont retrouvées dans leur lutte contre l’oppression, leur pratique de la transe, leur respect de la nature et des lois spirituelles du chamanisme. A l’heure actuelle, les Big Chiefs des tribus (en fait des quartiers, ou des familles élargies) que nous suivons tout au long du film perpétuent cette rencontre et rendent hommage aux esprits indiens de la terre d’Amérique. Ils défilent dans leurs quartiers en marge du carnaval officiel, éblouissants dans leurs magnifiques costumes de perles et de plumes, déguisés en indiens de rêve en affirmant à la face du monde la fierté, la beauté, et l’humanité de leurs communautés. Au moment où commence le film, le Carnaval est passé. Nous suivons en particulier la Nation Washitaw et son “Big Chief” David Montana. Tous se préparent déjà pour le mardi gras de l’an prochain. On retrouve là tous les ingrédients des carnavals afro américains : danses, plumes et défilés. Une année se déroule, faite de préparatifs, de veillées, de pratiques, de rituels, de combats pour leurs droits avec un objectif artistique doublé de leçons historiques sur la solidarité des peuples opprimés. Ils rêvent, dessinent leurs futurs costumes tandis qu’ils démantèlent les précédents. Chacun met la main à la pâte, les vieux qui transmettent, les jeunes qui apprennent, les petits qui s’émerveillent. Ce sont des moments de forte cohésion, de joie et surtout de dignité. Ces gens qui s’entendent dire toute l’année «tu es laid, tu es feignant, tu ne vaux rien» font la démonstration le jour du défilé du travail accompli; les perles et les bijoux sont symboles de valeur, les costumes grandioses font étalage de beauté car le défilé n’a rien à envier une gay pride: la flamboyance est à son comble, les costumes extravagants de fantaisie, de surcharge, de méticulosité. Chaque tribu, comme les écoles de samba au Brésil fait assaut de couleur, de perles et de bijoux. Le contraste est fort entre ces costumes magnifiques et les quartiers pauvres, bétonnés et tristes loin des maisons colorées de la tradition Nola. C’est infiniment poétique et grandement politique.

Musical et dansé, joyeux, Black Indians nous fait remonter jusqu’aux racines du call and response, forme musicale qui est la dernière tradition vivante de la culture africaine et l’une des sources du jazz…

Comme dit le big chief David Montana : «Le Mardi Gras Indien était là avant le jazz, bien avant que Louis Armstrong souffle dans sa trompette. Enlève ça et le jazz, et il n’y a plus de Nouvelle Orléans». Le film nous laisse parfois un peu sur sa faim, les images sont belles ou intimes mais on aurait aimé sans doute quelques explications historiques ou sociologiques supplémentaires (on ne fait qu’entrevoir le lien avec les black panthers par exemple…). Ce n’était pas le but sans doute de ce documentaire qui a le mérite de nous faire découvrir des femmes et des hommes habités de façon créative par une histoire métisse, luttant de façon positive et musicale. Le tout baignant dans une indéniable poésie… «Le vent des ouragans, ce n’est peut être après tout que les souffles réunis de tous ceux qui sont partis avant nous…»

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