Angélique Kidjo – Jazz In Marciac – 03/08/2019
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Texte : Annie Robert
Photos : © Thierry Dubuc (https://thierrydubucphotographe.zenfolio.com)
Lieu : Marciac, (FRANCE) | 03/08/2019
Quand on pense Diva, on pense souvent musique classique, caprices et tralala. Mais pour Angélique Kidjo, ce soir au chapiteau, rien de tout cela. Avec elle, la proximité est vraie, simple et immédiate. Pourtant c’est une diva, une vraie, une femme «puissante», une chanteuse cruciale de la musique africaine contemporaine. Engagée, solide, féministe, son chant est militant, politique au sens noble du terme, bien ancré dans son temps et ses problèmes. Elle chante pour ceux qui n’ont pas ou plus de voix. Elle porte leurs paroles. Angélique Kidjo n’ a de cesse de souligner l’apport culturel de son continent d’origine sur les synthèses musicales écloses dans le monde. Elle nous le dit et nous l’affirme avec raison. Retrouver les influences africaines, la force métisse de la musique, lui redonner dignité et courage, voilà l’essence de son combat. Pas questions pour elle de propos tièdes, ou de langoureuses compositions. «C’est important pour moi de faire comprendre que si je fais de la musique, c’est pour raconter une histoire de notre humanité. La musique nous rappelle constamment que nous ne sommes pas si différents que ça» Après être partie sur les traces de grandes artistes militantes comme Miriam Makeba ou Nina Simone, elle se plonge cette fois ci dans le répertoire de Célia Cruz. Celia Cruz était une femme forte et dynamique, une battante joyeuse engagée dans la préservation de ses racines mélangées. La Béninoise revisite les grandes heures de l’étoile d’origine cubaine en reprenant des morceaux clés de sa carrière. Elle y explore toute l’africanité de l’artiste, de ses œuvres de jeunesse gravées dans les années 50 sur l’île, à celles enregistrées plus tard à New York après son exil. L’artiste cubaine fut en effet la figure de proue de la salsa, ce style de musique inventé entre Miami et New York par les diasporas cubaines et porto-ricaines. Et Angélique Kidjo la reprend à son compte en y ajoutant (et c’est heureux) sa petite griffe et un beau vent de modernité. Symboliquement, ce sont les percussions bien trempées de Magate Sow qui ouvre le set et c’est comme un papillon monarque orangé tourbillonant qu’Angélique Kidjo s’élance sur scène. Cheveux courts et énergie solaire. Le set peine un peu à démarrer, la salle attend et tempère. Mais peu à peu, le rythme, la gaîté vont prendre le pas. L’orchestration, la présence de cuivres que l’on pourrait qualifier en «mode vaudou», les nombreuses improvisations arrivent à casser le rythme répétitif et entêtant de la salsa, pour en faire un bal joyeux avec des élancements spontanés. Le chant est puissant, toujours en voix pleine. Elle peut se faire basse et douloureuse (une belle berceuse avec juste l’accompagnement guitare) mais la vaillance est sa marque de fabrique. Les titres se succèdent : la vida est un carnaval, Toro mata, Yemaya, Quimbara et la chaleur monte peu à peu d’un cran sous le chapiteau. Le point d’ébullition n’est pas loin. Angélique Kidjo incite le public à s’approcher de la scène pour venir danser et il ne se fait pas prier. Elle, elle virevolte sur la scène comme on se brûle les ailes, avec fureur et une joie communicative. La musique qu’elle porte est faite, il est vrai, pour la jubilation des corps, la sueur et la transe. C’est une salsa modernisée, rayée de sons saturés et guitare électrique, percutante et efficace. Difficile d’y résister. Et personne n’y résiste. Sur une chanson dédiée à la terre-mère, bien abîmée par les hommes, elle descend dans le public et tout le chapiteau est debout, dansant, sautant et chantant, coloré de jaune de rouge et d’orangé. Sur scène une quinzaine de jeunes et de moins jeunes festivaliers ou bénévoles viendront s’enflammer dans un défi de danse à l’Africaine avec appels de petit tambour yoruba … Le rappel se fera avec la célèbre chanson de Miriam Makéba «Pata pata» laissant des spectateurs épuisés sans doute par l’émotion et le plaisir mais sous le charme. Une soirée puissante, charnelle mettant en avant la force, la légitimité, l’ouverture d’esprit et le sens du partage pour celle qui est aussi ambassadrice de l’Unicef. Toute en convictions. Et c’est heureux !