Hellfest 2019 – La machine à voyager dans le Métal
Back to the Future of the Perfect Past
Retour sur le plus grand festival de l’Univers, celui que même les martiens nous envient ! Le Hellfest !
Hellfest, 14ème saison. Tu es rentré dans l’adolescence, l’âge ingrat, celui où on va moins te pardonner tes erreurs de jeunesse et celui où tu vas peut être te révéler comme un festival majeur et mature. Si tu me le permets je vais te tutoyer pour te dire tout le bien que je pense de toi et aussi tout le reste car tu mérites mieux qu’un résumé d’une suite de performances scéniques.
Tu es une référence, un festival à part qui entraîne dans son sillage toute une région et au-delà tout un pays vers un style de musique en marge du politiquement correct, qui dit les choses simplement, mais fermement. Parfois léger, parfois engagé comme No-one-is-Innocent, un grand moment de communion plein de souvenirs. Parfois qui dit des choses qu’on ne comprend pas comme à peu près tous les groupes de Black Métal, et qu’on comprend parfois, et qu’on regrette et qu’on pardonne. Merci à Ultra Vomit pour la chenille géante, Pipi vs caca, Calojira featuring un clone de Calojero et ‘Evier métal’, génie ou folie, on ne sait pas trop mais c’était bien fun à l’heure de l’apéro sur la plaine de Clisson.
Hellfest, tu as passé ta jeunesse dans un anonymat confortable et connu exclusivement par une poignée de puristes. Apprécié par une population de connaisseurs, tu distillais le métal dans ton garage pour une bande de chevelus qui pogotaient joyeusement sans se soucier du lendemain. Les hardos avaient leur festoche avec des Slipknots, des Soulfly, des Anthrax déjà à l’époque. A présent, les mamies y amènent leurs petits-enfants et je n’arrive pas à savoir si c’est bien ou mal. D’un côté, ça fait découvrir le Métal à un public plus large, ça le popularise, dé-marginalise et d’un autre coté je suis pas certain que des femmes en résille clouté, des langues coupées en 2, des cœurs arrachés dans les poitrines comme lors de la presta des Méxicains sous acide de Cemican, soient un spectacle adapté pour les petits métaleux de moins de 10ans.
Donc, en parlant de ça, je vais tout de suite évacuer le coté Disneyland ou Carnaval burlesque qu’on te reproche depuis quelques années. Oui, tu es un festival déjanté, où se côtoient les goths, les tatoués, les punks, les vikings, les télétubbies et maintenant les mémés à toutous sans que ça pose de problème à personne. Le tout dans une ambiance bon enfant, des décors de parc d’attraction Steampunk et rien que pour ça j’aimerais revenir te rendre visite hors saison, quand ton espace de jeu redevient un parc municipal.
Mais voilà, tu deviens tendance et tout le monde veut venir montrer ses fesses à la télé. Tu deviens TPPMSC à savoir the-place-pour-montrer-son-cul ! Tu en profites, tu vends vite et pas toujours bien, victime de serials acheteurs, que reste-t-il aux fans de la première heure ? Tous les pass 3 jours vendus en 2h. Du coup ça donne 60.000 personnes par jour, 3 jours, forcément par moment ça déborde, ça s’entasse, ça lasse, ça embarrasse – même les espaces VIP sont pris d’assaut par, on-ne-sait pas trop qui d’ailleurs mais ils ne sont pas tous là pour bosser, tant et si bien qu’il t’a fallu inventer le concept du VIP+ ! Tu n’es pas très raisonnable aussi, mais qui peut t’en vouloir ? Ton succès est enviable, ta bière est fraiche, ta musique est extrême et tu fais le plein sans même annoncer le début d’une programmation, d’ailleurs cette année, nul point de vente anticipée pour les Pass de l’année prochaine, que nous réserves-tu de spécial petit coquinou de cachotier ?
Assez parlé boutique, parlons musique, parlons décibels, parlons poils dans les oreilles ! Rock-on !
Hellfest, tu as accueilli cette année, les jeunes pousses comme les mammouths, des speeds et des mous, des bons et des un peu moins bons, des jeunes, des moins jeunes, des vieux et des très vieux. Tu es l’Alpha et l’Oméga, le début et la fin, le tout et le rien. Le Black Métal et les Paillettes.
Tu as accueilli l’incomparable Manowar ! Ah non, pas Manowar nous as-tu appris dans la matinée du vendredi… On parle de la tête d’affiche quand même. C’est pas une défection des Infecticides à Hellcity ! On nous a privés des muscles, du cuir, de l’huile sur les muscles et des chevelures abondantes ! Manowar en plus était sur place pour sa tournée d’adieu et avait semble-t-il trouvé un nouveau guitariste en la personne de E.V. Martel, illustre inconnu, pour remplacer le plus grand guitariste approximatif de tous les temps, Ross the Boss, et Karl Logan absent pour cause de prison. Saura-t-on un jour le différend qui vous opposait ? A suivre.
Quoi qu’il en soit il y avait du monde pour remplacer l’irremplaçable Manowar. On pouvait notamment compter sur Carcass qui devait jouer à la même heure sur Temple (scène annexe au Mainstage) car Carcass répare, Carcass remplace… (hum… elle est pas de moi, mais elle m’a fait marrer)… et finalement ce sont les suédois de Sabaton qui s’y sont collés. Performants déjà la veille sur cette même scène lors du Knotfest, chanteur aphone, pas grave ils ont trouvé une imprimante pour filer les textes au guitariste et tu sais quoi ? C’est passé crème ! C’est ça qu’est bien dans le métal, tu changes tout, t’es cassé, t’es à l’ouest mais si tu mets du gros son, ça passe !
Particularité intéressante du vendredi, Hellfest tu avais dédié le Mainstage 2 au Métal français ! Ainsi on a pu se régaler et se gaver de Lofofora, de No-one-is-innocent, de Dagoba, des fous d’Ultra Vomit, des excellentissimes Mass Hysteria et pour finir, 1h20 de Gojira pour bien dormir – La Scène Métal française à une sacrée gueule quand même !
Hellfest, tu nous avais aussi programmé du Métal propre, à peine du Métal, on peut même parler du Mou Métal, alternative antagoniste au Hard Rock. Tu commences à bien connaitre ton public et il faut bien plaire à tout le monde. Ainsi nous avons eu droit à Lynyrd Skynyrd et aux Eagles of Death Metal dont le chanteur Jesse Hughes revenait pour la première fois chanter en France depuis les événements du Bataclan. Moment plein d’émotion, mais plein de pains aussi. Oh my God, on aurait pu ouvrir une coopérative boulangère avec autant de pains. Jesse a changé 4 fois de guitare, mais le souci ce n’est pas la guitare, ce sont les doigts qu’il faut changer ! Je vais mettre ça sur le coup de l’émotion, trop d’émotion, tout le monde était ému, c’est l‘Emotion Métal’, un nouveau genre. Autre genre proprinouninet que tu nous avais cuisiné pour cette saison 14 c’est un groupe qui ne ment pas sur la marchandise – FM ! C’est tout, c’est le nom du groupe… FM, des anglais qui sonnaient FM, pas un grand souvenir pardi. L’année prochaine, j’espère qu’on n’aura pas droit à la tournée d’adieu de Michel Sardou.
Après cette entrée en matière en douceur et dans la rubrique « Hey mais c’est tout à fait très bien ce petit Métal madame ! » et malgré les contraintes inhérentes aux grands festivals à savoir une balance qui convient à tous et donc à personne, il en est qui sont carrément sortis du lot et s’en sont tirés avec bien plus que les honneurs. Je pense particulièrement à Trivium, Thrash Metal qui n’a rien à envier à Metallica. Godsmack avec un Heavy Metal précis, efficace et puissant. Clutch programmé non dans la Valley, scène dédiée au genre Stoner, mais pour la première fois sur la Mainstage et qui n’avait pas volé cette place parmi l’élite tant leur énergie a été communicative à l’image du refrain de leur morceau Electric Worry repris par une bonne partie des festivaliers présents. Au rayon des inclassables, une mention très bien aux Nova Twins, 2 jeunes londoniennes juste sorties du Lycée mais dopées à l’Electro-hip hop-punk Métal et qui ont su compensé leur apparente fragilité par une vraie énergie pleine de fraîcheur. Et enfin, les tatouages couverts de poils épais et de sueur de monsieur Slash des Guns & Roses venu nous présenter son dernier album Living The Dream’ en compagnie de Miles Kennedy la voix d’Alter Bridge, et n’en déplaise à Slayer, véritable tête d’affiche du dimanche.
Hellfest, en plus de toutes les nouveautés virevoltantes que tu nous fais découvrir, tu es également le lieu où viennent finir les vieilles légendes, telles Black Sabbath, ou Aerosmith il y a quelques années. Ainsi, tu nous as fait profiter de Def Leppard, pour une succession de leur plus grand succès. ZZ-top, leurs barbes, leurs guitares en moumoute sur Legs et pour la première fois en exclusivité mondiale, La Grange à contre temps, pas banal et un peu embarrassant pour ceux qui avaient encore l’oreille attentive. KISS pour leur tournée d’adieu, encore. Un spectacle époustouflant tant visuellement que musicalement, pétards, fumée, tyrolienne et confettis. Le grand jeu.
Alors Hellfest, ce que tu nous as fait cette année a encore été à la hauteur de ta réputation, un très grand cru. Tu as encore su nous éblouir, nous étourdir et ou surprendre et si on peut parler de maturité, tu as su le teinter de folie contagieuse. Cette année encore il y en a eu pour tous les gouts dans une ambiance de fête de la bière – Finalement, on ne demande que ça et tu nous l’offres autour de la chose qui nous unit tous : la Musique !
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Texte : © David Yonnet
Photos : © Ian Arné
Lieu : Festival Hellfest (Clisson, FRANCE) | 22/06/2019