[La Reprise du Mercredi] La Complainte du Partisan, de la Centri à la BBC

Une reprise peut vous emporter loin, très loin.

C’était il y a quelques saisons (le 9 décembre 2016), la Centrifugeuse de Pau accueillait The Anonymous Choir, un chœur de femmes amené par Nona Marie Invie de Dark Dark Dark, la dame possède une voix parmi les plus belles qui soit. Elles reprenaient Leonard Cohen qui venait de disparaître, et c’était beau. Plutôt triste, mais beau. Il y avait ce morceau, The Partisan, qui fait rougir les yeux et donne des frissons dans tout le corps.

Leonard Cohen avait sorti ce morceau en 1969 sur son album Songs from a Room, alors que les artistes nord américains étaient en pleine vague contestataire contre la guerre du Vietnam. C’est pourtant à une autre guerre que réfère The Partisan, à la deuxième guerre mondiale. Il s’agit d’une adaptation de la Complainte du Partisan, que le Canadien chant en anglais, il garde une partie en français où il est doublé par une voix féminine, ce qui en est que plus émouvant.

Nous voici reculant encore dans le temps, jusqu’en 1943. La résistance française s’organise depuis Londres. Emmanuel d’Astier de la Vigerie, qui est le fondateur du journal Libération, écrit les paroles de la Complainte du Partisan que la BBC diffusera vers ce côté-ci de la Manche. Un texte jonché de cadavres, qui ne ressent plus la terreur ni la douleur pourtant immense, et regarde droit vers des lendemains libres. Anna Marly en a composé la musique comme elle le fera plus tard avec le plus connu Chant des Partisans, écrit par Maurice Druon et Joseph Kessel. Elle écrira aussi une version en russe à destination de l’effroyable front de l’Est. Anna Betoulinskaïa est son vrai nom, son père est fusillé pendant la révolution russe et le reste de sa vie se fera entre Londres, Paris et les Etats Unis. Un autre destin hors du commun.

Après l’interprétation de Leonard Cohen, la chanson sera reprise des tonnes de fois. Ni les Sixteen Horsepowers accompagnés de Bertrand Cantat, ni Emily Loiseau n’en retrouvera l’émotion. Celle au piano de l’Anonymous Choir est un bel hommage au Canadien et à tout l’historique qui précède.

Voilà, en ce lendemain de 8 mai, comment une simple soirée a priori sans histoire peut vous amener dans les tourments de l’Histoire.