Piers Faccini + İki Tilki (photos et live report) – La Scène aux Champs (Saubrigues) – 13/10/2018
Ce samedi à Saubrigues, c’est soir de basket, comme dans beaucoup de communes des Landes, mais ce n’est pas la seule raison à toutes ces voitures garés dans le bourg. Le village a sa propre salle de concert jouxtant le classique hall des sports, c’est moins banal, et à la Mamisèle, l’association Scène aux Champs reçoit l’artiste folk Piers Faccini.
Pas de scène d’ailleurs ce soir, les artistes seront au milieu de la salle, les instruments sont installés sur des tapis et tout autour des chaises et des gradins. L’éclairage sera discret, des suspensions orientales tombent de la charpente métallique. En première partie, le duo Iki Tilki nous amène pour un premier voyage, Julen Achiary joue de ce qui pourrait être une harpe taillée dans une massive pièce de bois, la main de Julie Lobato virevolte avec grâce sur la surface d’un tambour. Leur voix sont profondes, viennent de loin, transportent dans le temps et dans l’espace. En effet le duo basco-ibérique interprète des poèmes anatoliens écrits au Moyen Age. Pourquoi cette passion ? Il serait intéressant de le savoir, mais en attendant, c’est très beau.
Après la pause, Piers Faccini ouvre seul avec un tambourin, dans une langue lointaine, la transition est parfaite. Ce n’est qu’après que le groupe se met en marche avec Malik Ziad à la basse primitive et mandole et Simone Prattico à la batterie, au blues et au folk se mêlent des sonorités arabes, à la puissance de l’électricité, la finesse d’instruments atypiques. Le patron est concentré mais s’ouvre au public après quelques morceaux et explique le concept de son album I dream an Island dont ils vont jouer la totalité. Il s’agit d’une île imaginaire où les cultures les plus diverses cohabiteraient en paix. Une île pas si imaginaire que ça, puisqu’il dit s’inspirer de la Sicile du XIIème siècle quand le bassin méditerranéen était un espace d’intenses échanges des richesses aussi spirituelles que marchandes et spirituelles. Anima nous amène dans un palais de Palerme durant cet âge d’or, la première partie du morceau en anglais est sombre et c’est dans un dialecte sicilien qu’il s’illumine pour un moment de toute beauté. Sur cette île, il n’y a pas de mur, rien ne sépare ses habitants et l’entrainant Bring Down the Walls, repris par tout le public, vient comme des coups de bélier contre les remparts sud de la forteresse Europe. Le groove pour lutter contre la peur ! Car c’est bien ce qu’est devenue l’île rêvée aujourd’hui, une porte fermée entre deux mondes qui ne se connaissent plus.
L’Histoire permet de stimuler l’imaginaire en visionnant un endroit à un moment donner, celle de la famille de Piers Faccini est suffisamment riche pour cela. Judith, son aïeule, nous amène vendre des oranges avec sur le marché de la Cordoba médiévale. Si on ferme les yeux, on a les odeurs des étals, on sent la douceur de vivre et pourtant, bientôt les Juifs seraient contraints à l’exil … Au fil du concert, on sent le public se rapprocher de plus en plus des musiciens, la disposition de la salle aura surement aidé en cela. Deux fois ils salueront l’assistance et reviendront, la dernière fois pour un Your Name No More qui va bien au-delà de la Grande Bleue, jammer de longues minutes avec les Touaregs, mais le temps n’a plus d’importance. Les gens sont debout et dansent. Ils auront été ce soir au contact de plusieurs cultures avec Piers Faccini et Iki Tilki, auront entendu des langues inconnues, et s’ils n’ont compris mot à mot, la communication est passée et le sens de tout ça bien compris de tous. L’île rêvée n’est pas une utopie, elle a existé à Saubrigues, le temps d’une soirée.
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Photos : © Fabien Maigrat
Texte : © Julien Beylac
Lieu : Salle (Ville, FRANCE) | 01/01/2018