Le Son du moment – Animal Triste / Shake Shake Shake

Pourquoi cet animal est triste ?

Parce qu’il joue du rock post-coïtum, parce qu’il s’autorise à rêver d’une toundra fantasmée, d’un van crasseux où s’entasser encore et toujours à 5 pour dévorer d’infinies bandes de bitume bordées de sable brûlant. Parce qu’il n’y a rien d’autre qui compte. Parce qu’il n’a pas peur de la route qui relie la Baie de l’Amour enneigée aux déserts acides et bouillants où se perdait Jim, hurlant à chaque rocher, chaque cactus sa stupeur infinie d’être en vie, faisant jaillir des sources auxquelles viendraient s’abreuver des enfants sauvages, stoners, anges noirs, rebelles sur chevaux d’acier, et animaux tristes de l’autre côté de la mer immense.
Il est triste parce qu’il lui est interdit de se résigner, parce que ce qui brûle dans ses veines ne portera jamais de claquettes-chaussettes, ne s’extasiera jamais sur la poésie d’une barre d’immeubles où les poètes vendent au détail, parce que le soft-rock, pour lui, ne sera jamais chic, parce que le mot « urbain » ne lui évoque rien d’autre que le prénom d’un lointain grand-oncle, dont tout le monde tolérait la présence par obligation, et à qui d’autres de son âge faisaient subir les pires avanies, quand lui se contentait de regarder, indifférent en écoutant From Her To Eternity sur son walkman.

Il est triste parce que la petite mort le saisit toujours un peu plus fort à chaque fois, quels que soient les bras qu’il quitte, les scènes qu’il laisse derrière lui, les kilomètres et les décibels qu’il accumule, les centaines de musiciens qu’il a croisés, transformés en zombies mécaniques gavés de viande avariée, parce qu’il n’a pas d’autre choix que de mélanger tout avec du rien, que de faire la musique de demain avec celle d’hier, parce qu’il ne part de rien pour arriver nulle part, parce qu’il est multiple, origines diverses, direction unique, Tyler Durden reprenant du service avec des murs de son comme seule arme pour rendre la fierté aux types comme lui. Comme nous. Comme vous.
Il est triste, parce qu’il n’est ni réac, ni militant, ni concerné. Juste sauvage. Juste animal.

PS : le clip est un extrait d’un film de 1986, Hands of Steel, une sorte de SF spaghetti… dont le titre original est Vendetta dal Futuro ou Atomic Cyborg en français…

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